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Geneviève et Antoine – Quand ça tourne au vinaigre…

Un souper en amoureux qui se voulait super simple a tourné au vinaigre. Vous connaissez ce scénario? On parle doucement autour d’un verre avant de plonger dans ce qui s’annonce être une soirée romantique en tête à tête, au restaurant de fondue Fondissimo, sur la principale à Magog.

L’alcool nous rend plus relaxes, on se fait des blagues, de bons baisers langoureux. On se promet un retour à la maison tout en proximité sous les couvertures et quelques petites coquineries supplémentaires se chuchotent aux oreilles. Une excitation et, en même temps que le charme ressenti, un amour profond et réel. C’est effervescent et ça sent le bonheur. On embarque donc dans l’auto pour se rendre au restaurant que l’on va découvrir. La nuit est belle et sa noirceur ne trouble pas notre humeur, bien au contraire : elle l’enjolive et nous la parsemons de conversations inutiles et de niaiseries qui nous rapprochent. On a hâte d’arriver. On se fait attitrer une table parfaite pour l’occasion, au bord de grandes fenêtres, et on s’entend merveilleusement bien sur ce qu’on désire manger. Le vin est déjà versé et puisque c’est une formule « Apportez votre vin », on trinque un peu rapidement, et on devient « chaudasse ». Les plafonds sont hauts, le décor aux murs de briques est charmant et décontracté, et la soirée se déroule bien, on se parle de plein de choses.  

Pis là, mesdames et messieurs, on ne sait pas trop ce qui se passe exactement, sinon que je deviens insistant sur la manière dont ma blonde a eu de répondre à un courriel d’une invitation pour un party du jour de l’an, sans m’inclure dans sa réponse. Je me sens exclu, pis

bla-bla-bla, et l’alcool me rend susceptible, ce que je suis à la base, même sans avoir bu. Mais là, je deviens picosseux sur le sujet avec des reproches semi-camouflés par ma bonne humeur, et puis je touche un nerf sensible chez mon amoureuse qui sort de ses gonds sur un moyen temps. « Si t’arrêtes pas de me faire des reproches, je sacre mon camp en taxi pis je te laisse ici. Tu mangeras ta fondue tout seul!»

Silence. Léger frette. La super fondue au fromage bleu arrive, la serveuse est sympathique et fait de son mieux pour nous égayer. C’est bien exécuté, mais ça ne nous détend pas. Malaises et regards des gens autour de nous. Dans ma tête, il n’y a plus de musique qui joue, je viens de recevoir une impatience et une colère dans les dents devant tout le monde au restaurant. Ça ne me passe même pas par la tête que j’ai pu être gossant à ce point-là, je ne me suis rendu compte de rien. Là, j’ai juste de la difficulté à composer avec le tout.

Je me lève et je vais à la salle de bain. J’ai le goût de sacrer mon camp, mais quelque chose à l’intérieur de moi me rappelle que lorsque je fuis ainsi, après quinze minutes, j’ai peur de la perdre, alors je reviens au galop vers ma bien-aimée en la suppliant de m’excuser.

Ben oui, je suis faible de même, ou fort… ça dépend du point de vue. Pas pantoute tête de cochon là-dessus, j’ai seulement et tellement besoin de mon plancher affectif avec Geneviève dans ma vie que je mets l’orgueil de côté pour me faire pardonner assez rapidement merci. Pendant ce temps, Geneviève se bourre la face dans la fondue en boulimique du moment, intense. Elle travaille fort pour ne pas sacrer son camp, un réflexe qu’elle a facile, mais qui l’éloigne de son besoin de relation et qui l’entretient dans un espace insatisfaisant. Elle décide de ne pas partir, mais maudit que j’ai intérêt à me tenir tranquille, parce que le vase est plein!

Moi, encore aux toilettes, je me lance de l’eau dans le visage et je reviens vers ma douce. Elle mange toujours frénétiquement. Moi, je n’ai plus faim du tout. On argumente un peu fort. Geneviève est fâchée, pis moi aussi. Le moment, la belle soirée qui s’annonçait romantique est scrapé. On baigne tous les deux dans un sentiment d’angoisse désagréable. On demande le gâteau au fromage pour emporter. Ça va être stérile ce soir!

Geneviève et Antoine.

Éléments à identifier

L’alcool. On est tous les deux biens vulnérables face à l’alcool et il faut s’y attarder. Ça amplifie ce qu’on porte comme bonheur, mais aussi comme fragilité ou difficultés. On s’en parle, on se connaît, alors on sait que si l’on boit, on doit être prudents et demeurer conscients de nos fragilités. Ça fait en sorte que l’on boit tous les deux beaucoup moins quand on est ensemble. Juste assez pour que ça nous rapproche.

Le jugement des voisins. On s’est fait regarder et examiner alors que nous étions au restaurant. C’était fascinant. On avait l’impression d’être Roch Voisine et Jacynthe René sous le spotlight. Ça peut être gênant et générer de la honte. Dans notre cas, on n’est pas du genre à se soucier du regard que nous portent les autres. Par contre, on a eu l’impression d’être jugés allégrement par des regards mystifiés. Les gens se retournaient, mais le couple de la table à côté faisait comme si nous n’existions pas. Mais dans des situations comme celles-là, tu te tais et tu es jugé. Tu cries un peu, t’es jugé. Tu t’en vas en catastrophe, t’es jugé. Tu restes, t’es jugé.

Alors j’ai pour mon dire : fais donc ce que tu veux! L’idéal n’existe pas, sinon de faire de cet instant ce qui te convient et te correspond, dans les limites de la décence. Les autres jugent parce qu’ils gèrent leurs propres malaises et, un jour, ce sont eux qui seront confrontés à une chicane en public. Ils seront jugés à leur tour et devront faire ce qui est le mieux pour eux dans les circonstances, sans tenir compte du jugement des autres.

La fuite. On a aussi, chacun de notre côté, été enclins à fuir, à vouloir sacrer notre camp parce que la situation était désagréable. Je me sentais coupable qu’elle se soit fâchée, et ça rendait sa colère insupportable à recevoir. Elle, de son côté, s’est sentie contrôlée et envahie et elle a réagi dans un élan de liberté. Les deux, nous étions légitimes dans nos sentiments et nos émotions, mais il y avait une impasse. Le moment nous poussait à vouloir prendre la poudre d’escampette, mais, nous savions que ça ne nous ferait pas du bien. Nous avons finalement pris la bonne décision de demeurer au resto et de discuter.

Le blâme et le dénigrement. On s’est dénigré mutuellement. On a blâmé l’autre de notre vécu. On ne s’est pas fait du bien. Et c’est normal. Un moment, dans la mesure la plus respectueuse possible, on s’est envoyé des reproches vénéneux. Dans des situations comme celle-là, Geneviève et moi, on vire vite vers le pardon parce qu’on réalise quelle est notre part de responsabilité. Ce n’est pas facile et ça a pris tout le repas, puis le retour en auto, en plus de la nuit sans qu’il y ait de contact physique. Une nuit au cours de laquelle je n’ai pas dormi pour laisser reposer les choses.

Mais ça a fait son chemin jusqu’au matin, et je lui ai servi son petit déjeuner et son café au lit. Le temps est nécessaire dans ces moments-là. C’est inévitable. Il faut laisser le temps calmer l’œuvre des maladresses. Ça demande d’accepter le désagrément et de demeurer là, par amour. Pas d’accepter n’importe quel traitement. Les insultes et l’abus psychologique ou physique, c’est inacceptable. Mais la colère a son droit d’existence par contre. Un couple qui ne se chicane pas refoule souvent des choses qui finissent toujours par voir le jour, à un moment ou un autre. Les chicanes, c’est les systèmes d’aération d’un couple. Quand ça se fait de façon responsable, c’est constructif et ça nous propulse en avant. Ça permet à la relation de respirer sainement.

Se rattraper. Le plus important dans une chicane, c’est le retour. Revenir sur ce qui s’est passé dans le calme, avec humilité. L’orgueil peut être destructeur, car il porte le blâme sur l’extérieur plutôt que le regard sur soi. Le retour, c’est admettre ses erreurs et accepter l’espace qui est touché dans la sensibilité face à notre partenaire et face à nous-mêmes. Maudit que ça rapproche et que ça fait du bien!

L’apprentissage. Ce qui est fondamental aussi est l’apprentissage de notre façon de fonctionner et de réagir. Réaliser comment je suis enclin à réagir pour que, si une situation semblable se reproduit, je puisse mieux gérer l’instant. Pas que je doive changer. Une partie de nous reste toujours la même, mais plutôt que l’on puisse se protéger de soi-même afin de mieux traverser la tempête. Autrement dit, si ton abri Tempo part au vent lors d’une tempête, l’attacher en prévision de la prochaine tempête ne serait pas fou. Si le fait de boire me rend grognon, faire attention à la quantité d’alcool que je prends n’est pas une folle idée. Si je suis susceptible sur un sujet, choisir le meilleur moment pour en parler est à considérer. 

Le lendemain de cette soirée au restaurant, nous nous sommes rapproché Geneviève et moi. On s’est bourré la face dans le gâteau au fromage, le meilleur au monde! On était bien. On a eu le sentiment de grandir à travers cette expérience désagréable parce qu’on a choisi de rester, de s’aimer et de se confronter à la réalité de la relation affective qui n’est pas toujours faite de nuages et de ouate. On s’est aussi promis de retourner au Fondissimo dans le Temps des fêtes, parce que sérieusement ce restaurant vaut vraiment le détour.

Joyeux Noël et Bonne Année à tous! En vous souhaitant de trouver un moment pour prioriser votre couple en cette période encombrée de l’année.

Geneviève Pépin et Antoine Portelance, étudiants en 3e année de formation, programme de formation professionnelle en relation d’aide par l’ANDC offert au Centre de relation d’aide de Montréal inc. (CRAM) cramformation.com

Pour la petite fondue sur la coche… fondissimo.ca