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L’usage de la force par les policiers

Le 25 mai 2020, le même jour où le décès de Georges Floyd survenait, au moins deux policiers de Laval participaient à une arrestation musclée, qui a tout des airs de profilage racial. La réponse des supérieurs a été des plus étonnante, référant au fait que les statistiques rapportent peu de plaintes pour profilage racial en 2018.

PAR MARIE-PIER BOULET

BMD AVOCATS INC.

Le profilage racial n’est pas une question de statistique.

En effet, la sergente Geneviève Major a indiqué, selon ses propos rapportés dans l’article de La Presse https://lp.ca/gMuv4M que : « la police de Laval a reçu huit plaintes de profilage racial sur 150 000 interventions en 2018. Parmi celles-ci, trois ont finalement fait l’objet d’une enquête par le comité d’éthique de la police.»

Je dis étonnant parce que un (1) seul cas rapporté en était un de trop. Comment dire que parce qu’il n’y a pas beaucoup de plaintes, il ne s’agit pas d’une problématique réelle et surtout à enrayer.

La Cour suprême du Canada mentionnait ceci en 2009 : 

(…) pour chaque violation de la Charte qui aboutit devant les tribunaux, il en existe un grand nombre qui ne sont ni révélées ni corrigées parce qu’elles n’ont pas permis de recueillir d’éléments de preuve pouvant mener à des accusations.

R. c. Grant [2009] 2 RCS 353, par. 75.

Les propos de la Cour suprême ne visaient pas spécifiquement une situation de profilage racial, mais ils s’y appliquent en tout point.

Ceci étant dit, sergente Major, tout ce que vous nous rappelez par vos propos c’est que peu de personnes dénoncent, malheureusement !

Même si une infraction avait été commise

Les réponses des autorités sont choquantes lorsqu’on prend la peine d’insister sur le fait qu’un crime aurait été commis. Certes, les policiers interviennent principalement dans ces cas.

Dans le même article de La Presse, il est rapporté que la sergente Geneviève Major a précisé que l’individu ayant fait l’objet de l’arrestation musclée pourrait être inculpé de « défaut de se conformer à une ordonnance de probation, d’entrave et de voie de fait contre un policier, mais qu’il revient au bureau du directeur des poursuites criminelles et pénales de décider si des accusations seront déposées. » 

Ces propos tendent à suggérer que l’intervention était justifiée, vu ces circonstances.
Pardon ! Même si «Samuel » faisait l’objet d’un mandat d’arrestation ou qu’il était en train de commettre une infraction de bris comme cela semble être le cas, il n’y a rien qui justifie l’emploi de la force abusive et de la violence sans justification.

Imaginons la même situation sans la vidéo à l’appui. Tous s’entendront pour dire que plusieurs auraient douté de la version de l’homme noir.

Vos droits lors d’une intervention policière

Ce qui est manifeste dans cette histoire est que l’homme n’était pas agressif dans les moments qui précèdent l’intervention musclée. Même s’il l’avait été avant, on va s’entendre qu’il s’était clairement calmé. Ce qui est également sans équivoque est que l’homme réclamait de connaitre les motifs de l’enquête et qu’il y avait droit. Le policier réfère lui-même au fait que c’est une détention pour fins d’enquête. Pourtant, vos termes généraux ne répondent pas à la question et au droit de cet homme monsieur l’agent.

Dans ces cas, l’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés ne saurait être plus clair : 10. Chacun a le droit, en cas d’arrestation ou de détention :

a) d’être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention;

b) d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ;

c) de faire contrôle, par habeas corpus, la légalité de sa détention, et d’obtenir, le cas échéant, sa libération.

Concentrons-nous sur le point a). N’est-ce pas exactement ce qui était réclamé par l’homme dans les deux (2) vidéos de l’intervention de la police de Laval.

Le profilage racial se confond ici avec brutalité policière. Or, dans plusieurs approches des policiers se dessinent le profilage. Intercepter la personne noire sans motif, ne pas s’adresser à elle poliment, etc. Et si les policiers commençaient par dire bonjour, avoir un ton respectueux, vouvoyez, tous et chacun. La politesse n’enlève rien à leur autorité, à leurs pouvoirs.

Qu’on se comprenne: les policiers, pour la grande majorité, sont des exemples de respect et de dévouement envers les citoyens. Encore une fois, un seul qui ne l’est pas, c’est un de trop.