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MÉLISSA DÉSORMEAUX-POULIN: comédienne caméléon!

Tout le monde le dit dans le milieu : Mélissa Désormeaux-Poulin est une brillante comédienne, mais aussi une camarade extraordinaire, une femme adorable, gentille et drôle avec qui il est très agréable de travailler.

Texte et photos: Daniel Daignault

Cet automne, en discutant avec la comédienne Isabel Richer pour les besoins d’une grande entrevue pour ce site (http://regardsdefemmes.ca/isabel-richer-la-force-tranquille-dune-grande-actrice/), elle me confiait au sujet de Mélissa : « Je souhaite à tout le monde de travailler avec cette fille-là. La charge de travail qu’elle avait sur Ruptures! Le texte, les plaidoyers, le bureau… Écoute, elle est toujours sur la coche, toujours préparée et est d’une grande générosité envers les autres, comme si le show n’était pas sur ses épaules. Elle a toujours le sourire dans la face, elle n’est jamais choquée, jamais tannée. C’est sûr que je veux la revoir, Mélissa. »

Mélissa est, dans le jargon du métier, ce que l’on appelle une valeur sure et certainement une femme inspirante. Qu’elle soit appelée à porter une série sur ses épaules comme elle l’a fait avec Ruptures durant cinq ans, entourée d’une formidable distribution, ou qu’elle défende un second rôle – pensons à son inoubliable Carla dans Mensonges –, Mélissa livre la marchandise et parvient à tout coup à nous faire oublier les personnages précédents qu’elle a incarnés par son jeu. Comme elle le fait d’ailleurs, encore une fois, dans la série Épidémie diffusée à TVA.

À 38 ans, Mélissa compte plus de trente ans de carrière, puisqu’elle a fait ses débuts alors qu’elle n’était âgée que de cinq ans et demi. « J’ai commencé à faire mes premières publicités, et j’avais sept ans et demi quand j’ai joué dans un téléroman (Jamais deux sans toi). J’ai commencé à ce moment à apprendre des textes et à avoir des horaires assez stables de comédienne. »

En vieillissant, tu as dû composer à la fois avec ton travail de comédienne et ta vie d’étudiante?

Oui, et j’ai fait mon Cégep en Sciences humaines, profil Individu, mais je me suis souvent fait mettre dehors de l’école parce que j’étais trop souvent absente en raison du travail. Il y a une année où le téléphone a moins sonné à la maison, et j’ai un peu capoté, je me demandais ce que je pouvais faire si je ne pouvais pas jouer. Je voulais faire des effets spéciaux, ça m’intéressait, et j’ai décidé de suivre un cours de maquillage et j’ai travaillé dans un salon, mais j’étais profondément malheureuse, je n’étais pas la meilleure, et je m’ennuyais de ne pas jouer. Le téléphone s’est remis à sonner et j’ai abandonné le maquillage. C’est quelque chose que j’aime encore aujourd’hui, mais sans pression. J’aime maquiller mes amies, j’aime maquiller mes enfants, mais pas comme travail.

Mélissa, à ses débuts, dans le téléroman Jamais deux sans toi.

J’imagine que tes parents ont joué un grand rôle dans ta carrière, en te permettant justement d’être sur des plateaux de tournage?

Oui, ils ont géré ça comme des maîtres, mon père était professeur de littérature et ma mère conseillère en communications. À l’adolescence, je prenais des taxis pour me rendre à Radio-Canada, puis pour retourner à l’école, ils ont vraiment bien géré tout ça. Je suis partie de chez moi à l’âge de dix-sept ans, je voulais avoir mon nid à moi, j’étais assez mature. Ça faisait longtemps que j’y pensais, et ça s’est fait sans chicane. Je dirais qu’en raison de ce travail-là, on devient adulte bien vite. Mes parents ont aussi bien géré la période où j’étais maquilleuse. Ils savaient, je crois, que ça n’allait pas durer.

Ce sont eux qui t’ont amenée à faire des publicités et à jouer, ou c’est toi qui voulais absolument faire ce métier ?

C’est vraiment moi. J’étais allé voir une agente de casting qui était venue à mon école. Je faisais de la danse, à l’école de danse Louise Lapierre, et je lui avais dit que je voulais vraiment faire ça. Je ne me suis jamais posé de question, et le fait est que si je n’avais pas été comédienne, je pense que j’aurais été profondément malheureuse. Il n’y a rien qui me fait triper autant. J’ai essayé d’autres affaires et ça ne m’a jamais apporté autant de satisfaction que le jeu. Et en même temps, je ne sais rien faire d’autre!

Mélissa Désormeaux-Poulin et Dominique Laniel, dans Ruptures.

Il y a eu des gens, à tes débuts, qui t’ont marquée, qui ont été importants dans ton cheminement?

Oui, tellement! Il y en a eu beaucoup parce qu’enfant, tu es une éponge, et je dis tout le temps que j’ai eu les meilleurs professeurs parce qu’à mon avis, les comédiens avec qui j’ai commencé étaient des personnes équlibrées. C’étaient des personnes qui prenaient soin des autres être humains, et ils m’ont appris la bonne façon. Danielle Proulx, Antoine Durand, Jean Besré étaient des personnes qui avaient beaucoup d’amour pour l’humain et ils étaient très très bons et très disciplinés. Je n’ai eu que de bons exemples autour de moi, c’était du bon monde, et j’ai aussi grandi avec Olivier Loubry qui jouait le rôle de mon frère, et Thierry Bourgault-D’Amico, qui incarnait Zénon. On est restés très proches et j’ai été bien encadrée à mes débuts.

Mélissa, dans la peau de l’avocate Ariane Beaumont.

Et plus tard?

Il y a Élise Guilbault qui est arrivée plus tard dans ma vie, et qui est aussi très équilibrée, c’est une gentille. Elle fait ce métier-là et elle sait qu’elle ne sauve pas des vies, et elle est une comédienne extraordinaire. Elle se renouvelle, elle perdure, je ne peux pas avoir un meilleur exemple. Après il y a eu Anne Dorval qui s’est ajoutée, ce sont des grandes dames avec qui j’ai eu la chance de travailler de très près. Et il y a eu Gisèle Trépanier, une comédienne qui m’a aussi beaucoup aidée, qui a fait partie de mon développement. Elle m’a coachée vraiment longtemps et elle a été comme une petite maman pour moi. J’ai eu un contrat quand j’avais huit ans, ça s’appelait Une faim de loup (une fiction pour enfants) et je jouais le rôle principal, durant tout un été, et elle a pris soin de moi comme une maman. C’était très difficile, elle m’a protégée et cette femme sera toujours dans mon cœur.

Aux côtés de Jason Roy-Léveillé, dans le film À vos marques… party!

À regarder la longue liste de productions télévisuelles auxquelles elle a participé, entre autres Le monde de Charlotte, La promesse, 30 vies, on constate que Mélissa n’a pas chômé et c’est sans compter ses tournages pour le cinéma. En 2005, première expérience : elle tourne dans Sauvegarde, un court-métrage de Jean-Philippe Garoute qui a obtenu la mention « Meilleure intrigue » de la Première Chaîne de Radio-Canada. En 2007, elle se fait remarquer en jouant le rôle principal, celui de Gaby, une étudiante en cinquième secondaire, dans le film À vos marques… party! Le film connaît un grand succès auprès des adolescents et la suite, À vos marques… party! 2 arrive sur les écrans deux ans plus tard.

Mélissa Désormeaux-Poulin. Photo: Daniel Daignault

Je suis toujours impressionné de te voir passer d’un personnage à l’autre, et de voir, par exemple, que tu es très loin d’Ariane Beaumont avec ton personnage de Chloé dans Épidémie. Même ta façon de bouger est différente…

C’est drôle, tu n’es pas la première personne à me dire ça et je suis contente, je me dis : « Mon Dieu, ça a paru, bravo! ». Pour moi, Chloé n’a rien à voir avec Ariane, c’est une fille super libre et elle se fout du monde. En comparaison avec mon personnage d’Ariane, Chloé est plus smooth, elle est plus libre, et elle n’est pas du genre à s’attacher. J’adore jouer ce rôle et ce qui me fait le plus triper est d’inventer quelqu’un.

Une scène de la série Épidémie, dans laquelle Mélissa incarne le personnage de Chloé.

Tu serais du genre à te transformer passablement pour donner vie à un personnage?

Oui, engraisser, maigrir, couper mes cheveux pour des rôles importants, mets-en, je suis full game!

Il y a des personnages que tu aimerais jouer au cours des prochaines années?

Je rêve de jouer la folie, je n’y ai pas touché encore et c’est ce que j’aimerais faire. Un personnage qui serait sur la ligne, bien mince, et qui bascule. Qu’est-ce qu’il se passe pour qu’un homme tue sa femme et ses enfants, qu’est-ce qu’il s’est passé dans sa tête quand il pose le geste. Ce sont des choses qui m’intriguent beaucoup chez l’humain et j’aimerais l’explorer comme comédienne. C’est quelque chose qui me trouble et qui m’habite, il y en a tellement!

Isabel Richer et Mélissa Désormeaux-Poulin, dans une scène de Ruptures.

Tu as lu ce que Isabel Richer a dit à ton sujet, lors de mon entrevue avec elle, parle-moi un peu de cette comédienne avec qui tu as travaillé durant cinq ans… Tu la connaissais avant Ruptures?

Je ne la connaissais pas du tout, mais je savais bien sûr qui elle était! Dans L’Ombre de l’épervier, dans Jasmine, c’était une comédienne qui m’impressionnait et je l’ai toujours trouvée mystérieuse et inaccessible. Quand tu ne la côtoies pas, tu as l’impression qu’elle est timide. C’est tout le contraire! C’est une drôle, elle est très très drôle, je pense que c’est elle qui m’a fait le plus rire sur le plateau de Ruptures. C’est une raconteuse aussi, elle a vécu cent millions de vies, cette femme-là, et je trouve qu’elle a un regard sur le métier qui est très simple. C’est une super comédienne et quand je faisais Ruptures, elle me faisait du bien, elle me rassurait. Il y a eu des années où l’on a moins joué ensemble et ça me manquait profondément. Elle m’inspire comme femme et comme comédienne, je l’ai beaucoup aimée. C’est mon amie, Isabel, et durant les années de Ruptures, on se voyait même quand on ne tournait pas. Souvent, je conserve quelques amitiés sur des plateaux, et elles durent. Comme avec Catherine Trudeau qui sera toujours mon amie.

Mélissa est assurément l’une des plus brillantes comédiennes de sa génération. Photo: Daniel Daignault

Donc, le plaisir de jouer combiné à celui de faire de belles rencontres et travailler dans un milieu agréable?

Oui, et je trouve qu’on peut vraiment perdre le nord en faisant ce métier-là parce qu’on a beaucoup d’attention, et c’est ma pire peur. Je fais vraiment attention à ça. Quand ça t’arrive, ça veut dire que tu as perdu la bonne raison pour laquelle tu fais ce travail. C’est dur comme métier et tu sais, quand tu sors de l’école et que tu commences, tu es vulnérable et il faut faire attention à ça. C’est un métier où l’on s’ouvre et pour être ouvert, il faut que tu te sentes en sécurité, alors moi je veux créer cette affaire-là, je veux que le monde se sente en sécurité avec moi.

Mélissa, interprète du rôle de Carla dans Mensonges.

Il y a eu des moments marquants dans ta carrière, entre autres quand tu as joué dans le film Incendies de Denis Villeneuve, mais aussi À vos marques… party!

C’était mon premier film que j’avais sur les épaules et c’est la première fois que d’autres gens du milieu du cinéma m’ont vue, et je pense que c’est à cause de ce film que j’ai eu par la suite Dédé à travers les brumes, Incendies… Ça a comme déboulé ensuite, alors À vos marques… party! a été marquant, pour la confiance que ça m’a apportée. Ça a changé ma carrière, j’ai eu un rôle dans La promesse puis Incendies (2010) est arrivé et ça a tout changé. Ça a tout changé parce qu’il y a des portes qui se sont ouvertes que je ne pensais même pas qui pouvaient s’ouvrir! Londres a appelé pour me voir en audition pour Game of Thrones

Sérieux?

Oui, et ce n’est pas pour me vanter, c’est juste irréel! Je ne savais pas ce que c’était, Game of Thrones, quand j’ai auditionné, et c’est après que j’ai réalisé que j’aurais peut-être pu jouer là-dedans! Malade! Incendies est un film qui a beaucoup voyagé et on a pensé à moi pour des rôles. Ça m’a fait prendre conscience que peu importe l’endroit où l’on est, si on est un bon comédien ou une bonne comédienne, on peut faire ce métier-là partout. On n’a rien à envier aux autres, on fait du super bon cinéma ici et on a d’excellents comédiens. On idéalise les Américains et les Français, mais on travaille très bien et on fait des super séries télé avec le quart de leur budget. Ça m’a juste donné confiance et fait comprendre que si un jour je veux travailler ailleurs, je vais être capable.

Ça te dirait d’avoir un agent dans un autre pays, d’aller passer des auditions?

Je ne dirais jamais non à ça, je serais vraiment ouverte, mais je ne laisserais pas tout ce que j’ai ici pour aller jouer le rôle d’une serveuse ou une poignée de porte! Je ne vais pas laisser tous les beaux rôles que j’ai ici pour aller briller trois secondes, ça ne m’intéresse pas. Et je suis quand même établie ici et j’ai des enfants. Alors oui, mais pas à tout prix.

L’affiche du film Dérive, l’une des nombreuses productions auxquelles a participé Mélissa, qui a pris l’affiche en mars 2019. Ce rôle lui a d’ailleurs valu une nomination au Gala Québec Cinéma en 2019 dans la catégorie Meilleure interprétation féminine dans un rôle de soutien.

On peut te voir en ce moment dans la série Épidémie, tu n’as pas chômé après la fin de Ruptures!

Non, j’ai commencé à tourner dans cette série deux jours après la fin de Ruptures, et ça m’a fait du bien que ce soit un second rôle, j’avais besoin de ça après Ruptures. C’était parfait, et j’ai accepté parce que je voulais voir Julie Le Breton : je capote sur elle et je n’avais jamais eu l’occasion de la côtoyer sur un plateau de tournage. Et je voulais travailler avec le réalisateur Yan Lanouette Turgeon, c’est pour ça que j’ai dit oui.

Une scène de la série Épidémie.

Jai l’impression qu’au-delà des rôles que tu défends, les rapports humains sont très importants pour toi…

Les rencontres! On rencontre toutes sortes d’humains et je dirais que c’est l’une des choses qui me fait le plus triper de mon métier.

Mélissa a toujours été relativement discrète au sujet de sa vie personnelle. On sait qu’elle et son compagnon sont ensemble depuis vingt-trois ans, qu’elle est mère de deux filles, et que son ainée, Léa, semble vouloir suivre ses traces.

Elle a tourné dans une publicité et je ne pourrai plus la retenir longtemps. Elle a plein d’autres intérêts et je trouve ça très chouette. Elle est en 2e secondaire et elle anime tous les shows à son école. Elle a vraiment une grande puissance. Je la vois et je me dis : « C’est ça » », il faut que j’accepte qu’elle a ce talent-là et je dirais qu’à treize ans, elle a plus confiance en elle que moi à son âge, j’étais bien plus insécure qu’elle et je dirais qu’elle a pris le meilleur de nous deux. Je vais être là pour la protéger du mieux que je le peux.

Mélissa en compagnie de ses filles, une photo publiée sur le compte Instagram de la comédienne.

Tu vas avoir 40 ans en 2021, c’est un passage qui te fait peur?

Quand même, oui. Avant, non, mais là, j’y pense. Dans ma tête, j’ai l’impression d’avoir vingt ans encore, et c’est souvent quand je suis avec du monde de vingt ans que je réalise que je n’ai plus vingt ans ! Je n’ai pas envie d’être la vieille, et je n’ai pas envie d’être la vieille qui joue la jeune. J’ai le goût d’être assumée, et je pense que pour ne pas vieillir, il faut être à l’affut des nouveautés. Autant vieillir peut être apeurant, autant je peux dire que je n’ai jamais été aussi heureuse. J’ai une belle vie, je suis vraiment chanceuse et j’ai plein plein de gratitude. Vieillir, pour les comédiennes, ça vient aussi avec le physique, cette pression-là qu’on ne veut pas, mais qu’on a quand même, et je me questionne par rapport à ça, et comment je réagis comme comédienne. Je suis là-dedans, c’est un beau questionnement.

Photo: Daniel Daignault

Quelle est ta plus grande fierté ?

C’est une grosse question, mais c’est sûr que je vais te dire mes filles ! Mais je suis aussi fière de pas mal toutes les petites sphères de ma vie. Je suis là où je voulais être, je suis fière aussi de ce que je deviens en couple. C’est vraiment cool, un couple, je suis fière d’où on en est, et aussi des amitiés que j’ai entretenues et de mes enfants. Il y a beaucoup de travail à faire encore, mais ça va bien !

Photo: Daniel Daignault

Le nouveau visage de Kia

Depuis l’automne dernier, Mélissa est le nouveau visage de Kia au Québec, première porte-parole officielle de la marque automobile, que vous avez certainement vue dans les publicités télévisées. « Les cordes sensibles des Québécois sont différentes et Madame Desormeaux-Poulin a tout pour faire vibrer ces cordes selon nous. Elle est une femme forte, une mère de famille attentionnée, elle a un sens écologique, elle est près de son public, le tout signé avec élégance. Ce sont tous des traits et des valeurs auxquels Kia adhèrent, et que nous véhiculons », expliquait en septembre dernier M. Elias El-Achhab, vice-président et chef de l’exploitation de Kia Canada Inc.

Les photographies de Mélissa Désormeaux-Poulin pour ce reportage ont été réalisées à l’Hotel10, Montréal.