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Sandra Demontigny, 41 anS – comment elle vit avec l’alzheimer précoce

Sandra Demontigny aura 41 ans en avril. Dès le premier regard, les premiers mots, on craque pour cette femme vive d’esprit, sympathique et chaleureuse. Et lucide. Parce qu’il y a un hic : cette mère de trois enfants est atteinte de la maladie d’Alzheimer précoce à transmission autosomique dominante. Un verdict tombé en juin 2018. « Dans la situation actuelle, je vais partir relativement tôt pour une maman, et en plus, je vais laisser mes enfants avec une possibilité d’avoir une maladie épouvantable, comme une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes » confie-t-elle.

Texte et photos: Daniel Daignault

Sandra a eu des deuils à faire depuis que la maladie est apparue, comme celui de ne plus travailler. « Ça a été un grand drame dans ma vie, ça va bientôt faire un an. J’étais sage-femme et responsable du service de sage-femme de ma région. Ça a été un drame parce que j’adorais ce que je faisais. J’ai fait des conférences, j’ai enseigné à l’université, c’était vraiment ma grande passion, et quand j’ai dû arrêter, ça a été comme si l’on m’arrachait un bras. Mes amies, mes collègues, la clientèle que j’avais… heureusement qu’il y a Facebook, je peux demeurer en contact avec ces personnes. »

Ton travail, en somme, consistait à accompagner des femmes à donner la vie et là, tu luttes pour préserver la tienne…

Oui, et c’est fou parce qu’on a souvent dit, entre nous, que la vie et la mort, c’est très semblable. C’est un passage. Ça demande de l’abandon, tu vas vers l’inconnu, il y a beaucoup de choses qui se ressemblent. On est plusieurs à se dire qu’on aurait aussi bien pu travailler aux soins palliatifs.

Le père de Sandra est décédé à l’âge de 53 ans des suites de la maladie d’Alzheimer précoce. « Les premiers symptômes, selon ce que ses frères nous ont dit, étaient apparus alors qu’il avait 40 ans. Et je savais qu’il y avait une possibilité que j’aie la maladie moi aussi, tout comme mon frère. »

Ça ne fait pas si longtemps qu’on parle de l’Alzheimer précoce?

Non, quand mon père a commencé à être malade, l’Alzheimer précoce, purement génétique, n’était pas aussi connue, la population savait peu de choses à ce sujet. Mon père a eu son diagnostic à l’âge de 47 ans. Il a continué à travailler et j’ai tellement pensé à lui quand moi je travaillais et que ce n’était pas évident. Il a caché son état à ses collègues, et il s’est rendu assez loin. Il était cadre dans une compagnie et l’un de ses patrons lui a dit un jour que ça ne pouvait plus fonctionner, qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec sa mémoire depuis un an et que d’autres personnes s’en étaient rendu compte. Il est allé passer des tests, et le diagnostic est tombé. Il a du quitter son travail à ce moment-là. »

Sandra et son frère Dany, en compagnie de leurs parents.

Vous vous doutiez que votre père était malade?

Oui, je me souviens, à partir de l’âge de 43, 44 ans, je voyais des signes chez lui que je trouvais quand même clairs. Je revois mon père qui me dit un jour : « Sandra, veux-tu des chips? » Et ma mère de dire : « Denys, il n’y en a plus de chips ». Mon père a répondu qu’il y en avait, il est descendu au sous-sol pour aller les chercher, parce que nous les gardions à cet endroit, et quand il est remonté, il m’a dit qu’il n’y en avait plus. Et dix minutes plus tard, il m’a demandé : « Sandra, veux-tu des chips? » Et convaincu qu’il y en avait encore, il est retourné au sous-sol. Après le décès de mon père, mon frère voulait passer le test pour savoir s’il était porteur de la mutation du gène de la maladie, mais moi je ne voulais pas. Finalement, alors que j’étudiais à l’Université Laval – je faisais des études supérieures spécialisées –, j’avais l’impression que je perdais mon intelligence, qu’elle fuyait. Je pense que c’est ce qui a été le plus grand signe pour moi. De session en session, ma capacité de retenir les informations baissait, et mes notes aussi. Je lisais une page et si tu m’avais demandé ensuite de quoi ça parlait, il m’aurait été difficile de te répondre. Quand ça a été la période des examens à l’université, je me suis plantée solide dans l’un d’entre eux, je ne l’ai même pas complété. Je me disais que ça ne me ressemblait pas, qu’il y avait quelque chose qui ne marchait pas. Je croyais que c’était parce que je travaillais trop, et c’était possible, mais ce n’était pas ça. C’était il y a deux ans. »

C’est peu après qu’est survenu l’incident des bottes. Ses propres bottes qui étaient à l’entrée de la maison, mais qu’elle n’arrivait pas à reconnaître, même si ses proches lui confirmaient qu’elles étaient bien à elle.

Ton frère a appris qu’il n’était pas porteur de la mutation du gène, mais ça a malheureusement été différent dans ton cas…

Il y a différents types d’Alzheimer, celui dont souffrent les personnes âgées, et l’Alzheimer précoce génétique. Et dans ce cas, il faut que ton parent soit porteur du gène malade pour te le transmettre. Dans le fond, c’est un gène qui a une petite encoche, dans nos millions de gênes. Et quand il t’a été transmis, tu es malade, ce qui est mon cas. Bref, si tu as la mutation du gène de l’Alzheimer précoce, ça ne pardonne pas, tu ne peux rien faire avec ça.

Lorsque je la rencontre dans un café en banlieue de Québec, où elle habite, Sandra se sent en confiance et se confie sans retenue. Franche, drôle aussi, cette femme déterminée a du courage à revendre, malgré qu’elle sache que la maladie va irrémédiablement progresser au cours des prochaines années.

Comment vis-tu avec la maladie, au jour le jour?

Je dirais que globalement, je suis dans une bonne passe, mais tu vois, hier soir je pleurais. J’ai quand même une attitude positive en général. Je fais des dépressions chroniques et répétitives, et j’ai su au fil des années que c’est à cause de ma maladie; les gens qui ont l’Alzheimer génétique font plus de dépressions que la moyenne des gens. En effet, la maladie entraîne des plaques au cerveau (jusqu’à vingt ans avant les premiers symptômes!) et cela nuit au transport des neurotransmetteurs.

L’automne dernier, j’ai vraiment eu une période pas l’fun, ça a duré environ un mois et demi. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Maintenant, je suis sur une pente remontante, mais c’est sûr qu’il m’arrive d’avoir des bas. C’est souvent quand je suis confrontée à la maladie et qu’il y a des symptômes qui me frappent.

Sandra Demontigny et sa famille.

Par exemple?

Hier, après avoir vu un film au cinéma avec mon chum, on est allé jouer au billard. Je ne joue pas souvent, mais disons que c’était vraiment plus que la fille qui ne joue pas souvent. Mon orientation dans l’espace est pas mal affectée. Quand j’ai pris le diable pour jouer mon coup, plutôt que de me préparer à jouer avec un angle qui aurait été correct pour frapper la balle, je le plaçais du mauvais bord. J’ai essayé et réassayé, et je voyais que ça ne rentrait juste pas, je n’y arrivais pas. J’ai fini par faire ce que mon chum me disait de faire, mais dans ma tête, ça ne faisait pas de sens. J’essayais de tenir ma baguette, mais en raison de la médication, j’ai des petits tremblements. C’est subtil, mais au billard, il n’y avait rien de facile.

Le livre qu’a signé Sandra Demontigny aux Éditions La Presse et en vente depuis le début du mois de juin, figure parmi les ouvrages les plus vendus.

Tu sais qu’il y a des avancées dans la recherche qui ont été faites récemment, j’imagine que ça te donne de l’espoir?

C’est sûr qu’il y a toujours une petite possibilité. Il faut que la FDA (La Food and Drug Administration) valide l’innocuité d’un médicament, donc que le médicament soit efficace et qu’il ne soit pas dangereux. Il va y avoir d’autres études, mais c’est super encourageant, on se dit que ce n’est pas impossible d’y arriver. L’avantage de cette médication, si ça fonctionne, est qu’elle serait capable de faire reculer la maladie. Et ça, c’est vraiment une première. Quand j’ai commencé la médication, on m’a dit que ça ralentissait la progression de la maladie, mais dans quelle mesure? On m’a répondu que ça pouvait aller de un à trois ans. Ce n’est pas tant que ça. Alors que ça, c’est vraiment différent. J’en ai parlé avec mon neurologue et il m’a dit que c’était la nouvelle qu’ils attendaient depuis des décennies. Tu penses que la vie ne fait que s’acharner sur ta tête, mais peut-être pas, finalement. Je ne me fie pas là-dessus, mais c’est la première fois que je me permets d’espérer. Si ça prend trois ou quatre ans avant que cette médication soit disponible, la maladie va avoir fait son chemin, mais je ne serai pas rendue à un stade trop avancé. Et les recherches sur la maladie continuent, je demeure très positive face à cela.

Il y a des similitudes entre ce que tu vis et le personnage d’Anémone joué par Marina Orsini dans la série télévisée Une autre histoire?

Exact, c’est la même chose. J’ai rencontré Chantal Cadieux, l’auteure d’Une autre histoire, et on en a discuté. Je me reconnaissais là-dedans, il n’y a rien que j’ai vu dans cette série qui n’était pas conforme à la réalité, par rapport à la maladie. Marina Orsini arrive bien à transposer l’émotion d’une personne qui réalise qu’il se passe quelque chose, comme lorsqu’elle a mis du sel dans son café, je crois, au début de la série. Ce n’est pas un drame, mais c’est une manifestation. Et son personnage se demandait si elle devait le dire ou non à ses proches, et moi aussi j’ai été là-dedans. À plus d’une reprise, je me souviens que je me suis dit : « Oh mon Dieu, c’est exactement ça! » Je sens la détresse que son personnage peut sentir, quand elle se demande ce qui se passe, comment il se fait qu’elle a oublié telle chose.

Ton chum, tes trois enfants, comment réagissent-ils à ta condition et à ce que tu vis?

Mon chum est vraiment un gars super solide. Je suis une grande émotive et lui l’est moins. Il est ingénieur forestier, c’est un gars gars! Je pense qu’il se donne un peu un rôle de filet de sécurité. Il essaie d’éviter les dégâts. Je pense qu’il est aussi en adaptation, parce qu’il y a des choses qui arrivent et il doit se dire parfois : « Ben voyons, ça s’peut pas! ». Comme lorsqu’on se parle au téléphone et qu’il me dit qu’il termine à quatre heures trente. Cinq minutes plus tard, je vais le rappeler pour lui demander à quelle heure il finit de travailler. Ça n’a pas de sens, mais c’est vrai que je ne le sais pas, même s’il me dit qu’il me l’a mentionné lors de notre conversation précédente.

Sandra, en compagnie de ses trois enfants, il y a quelques années.

« Je connais mes limites et je sais quand je deviens inconfortable à l’intérieur de moi. J’ai envie de me concentrer sur les trucs que je suis capable de faire. Et de ne pas m’en faire avec les choses que je ne suis pas capable de faire. Ça ne me sert à rien de me dire que je vais me forcer et que ça ira mieux, ce n’est pas possible. »

Il y a quand même de l’espoir, avance Sandra. « Nous nous sommes rendus à un congrès international à Los Angeles l’été dernier, où plusieurs familles comme la mienne, qui sont aux prises avec la maladie l’Alzheimer précoce, étaient présentes. Ma fille a notamment assisté à une conférence qui avait pour thème « Avoir des enfants, dans ce contexte-là ». Elle a 21 ans, elle veut des enfants, une famille, et elle se demande si elle est porteuse du gène et si elle va le transmettre à ses enfants. Elle a appris qu’on offre maintenant de faire une sélection in vitro d’embryons malades. Donc, il faudrait qu’il y ait fécondation in vitro et quand les embryons sont formés, ils sont analysés et ceux qui sont porteurs du gène malade sont éliminés. »

Ta maladie est moins apparente qu’une personne qui a des signes physiques…

Ça ne parait pas, mais quand ça parait, j’ai l’impression que c’est moi qui vis le plus grand malaise. Les gens peuvent penser que je me suis trompée, que je suis fatiguée, mais moi, ça me gêne beaucoup. Je peux être en train de parler et tout à coup, perdre le fil, avoir un blanc, ne plus me souvenir de ce que je voulais dire. Je trouve ça gênant quand je suis obligée de dire à quelqu’un que j’ai un gros problème de mémoire, comme si je livrais un gros secret. Et j’entends souvent, dans ces moments-là, des gens me dire que ce n’est sûrement pas ça, que je suis trop jeune.

Compte tenu de ton état, est-ce qu’une demande d’aide médicale à mourir est quelque chose que tu envisages?

Ah bien oui! Je ne veux pas vivre ma fin de vie dans des conditions atroces, abominables. On a accompagné mon père là-dedans et l’une des particularités de l’Alzheimer précoce est que les gens qui en sont atteints sont jeunes, donc ils sont en forme. Physiquement. Le corps ne lâche pas, et ils sont malades, ça n’en finit plus de ne plus finir. Ma mère a gardé mon père à la maison jusqu’à la fin, c’était rock and roll. Il ne dormait plus, il marchait dans la maison, ça ne finissait plus. Il errait et à un moment donné, il était tellement fatigué de marcher qu’il se mettait à quatre pattes, et il marchait à quatre pattes. Ma mère est décédée il y a deux ans et sérieusement, c’était une sainte. Elle a été avec mon père jusqu’à la fin. La dernière année et demie a vraiment été terrible, et je me disais que s’il pouvait se voir aujourd’hui, comme ça, il me dirait de tirer sur la plogue. Pour lui, pour sa dignité.

« Depuis toujours, je suis pas mal à l’écoute de mon corps, et c’est certain que je constate qu’il y a des symptômes qui sont plus présents que d’autres. Comme ma mémoire à court terme qui n’est vraiment pas bonne. »

C’est donc une possibilité pour toi?

C’est ce que je souhaite. Si les recherches n’en arrivent pas à une médication qui va arrêter la maladie et, idéalement, faire en sorte que le processus soit inversé, c’est clair que je ne me rends pas dans les derniers stades de la maladie. Les stades 6 (déficit cognitif grave) et 7, je ne me rendrai pas là, je ne veux rien savoir. Quand j’ai eu mon diagnostic, on n’en parlait pas du tout de l’aide médicale à mourir anticipée, mais ça a bougé depuis. Moi, j’ai voté pour la CAQ juste pour ça, parce qu’il avait été dit qu’ils allaient réfléchir à l’aide médicale à mourir anticipée. J’avais confiance. Autant je me trouve malchanceuse dans la vie, autant je trouve que parfois les astres s’alignent. La CAQ a été élue, et moi j’ai eu mon diagnostic en juin 2018. J’ai été porte-parole de la fédération des sociétés d’Alzheimer du Québec pour le mois de sensibilisation, en janvier 2019. J’ai donné beaucoup d’entrevues et les gens ont commencé à en parler. Dans ma vague d’entrevues, j’ai rencontré par hasard la ministre de la Santé (Danielle McCann) alors que nous étions invitées à la même émission. Nous avions eu une bonne discussion là-dessus.

Moi je pense que lorsqu’il t’arrive un drame dans la vie, tu as le choix de t’écraser ou d’avancer. Et ce qui aide à avancer est de trouver un sens. Ce qui m’arrive, pour moi ça ne fait aucun sens, mais j’essaie de rendre ma situation utile. Comment est-ce que je peux faire œuvre utile avec ça? En amenant du positif là-dedans, et pour moi, ça implique de sensibiliser les gens au fait qu’ils pourraient éventuellement choisir l’aide médicale à mourir anticipée. Ou pas. Je ne crois pas nécessairement que c’est la solution parfaite pour tout le monde, pas du tout. Ce sont des choix que l’on fait selon ses valeurs et ses croyances.

Dans ton cas, tu sais ce que tu veux et ce que tu ne veux pas?

C’est clair depuis longtemps que je ne veux pas vivre la dernière phase, les deux dernières phases de la maladie. J’ai déjà tout déterminé ça, ce que je veux et ce que je ne veux pas. Il y a sept stades dans la maladie d’Alzheimer, et pour moi, ça signifie de ne pas entrer dans le stade six. J’en suis au stade un et la forme précoce génétique de la maladie est assez agressive. Mon père a commencé à avoir de légers symptômes à 40 ans et il est décédé à l’âge de 53 ans. Et je te dirais qu’à partir de l’âge de 48, 49 ans, il avait besoin de quelqu’un avec lui en permanence. Ce n’était pas pour le faire manger, mais il fallait qu’une personne soit là pour éviter qu’il parte n’importe où. C’était quand même une qualité de vie potable que moi je vais tolérer.

Photo de famille.

En janvier 2020, le gouvernement Legault annonçait qu’une personne malade n’aura désormais plus à être en fin de vie pour faire une demande d’aide médicale à mourir. « Un élargissement important de l’aide médicale à mourir » avait alors déclaré la ministre McCann.

Chose certaine, ta prise de position, le fait que tu parles beaucoup de ce que tu vis, fait en sorte que les gens sont plus sensibilisés à l’Alzheimer précoce?

Il y a beaucoup de personnes qui m’écrivent parce qu’ils sont préoccupés et je les comprends, parce que personne ne veut avoir cette maladie-là. Avoir à piger dans le sac à maladies, la plupart du monde va vouloir piger autre chose que ça. Si tu me demandes quelle est la pire, je te dirais que c’est celle-là. J’échange avec eux, j’échange beaucoup d’informations, on me pose beaucoup de questions. Déjà, si un de leur parent n’est pas atteint d’Alzheimer dans la trentaine, quarantaine ou cinquantaine, ça ne peut pas être de l’Alzheimer précoce. Par contre, ça peut être autre chose, je leur suggère bien sûr de consulter leurs médecins.

Sandra Demontigny, en voyage à l’étranger, dans le cadre d’une mission humanitaire au Mali, en 2009.

« Mon père est décédé en 2007, ça a été super pénible, et on a su par la suite que nous étions à risque d’avoir la maladie. On le savait parce qu’il y en avait beaucoup dans la famille qui avaient souffert d’Alzheimer, mais personne ne nous avait dit que c’était génétique, qu’on avait cinquante pour cent de risque d’avoir le gène aussi. J’ai badtripé, j’étais anxieuse, je venais d’accoucher de mon deuxième fils. Au bout de quelques mois, j’ai décidé que je n’irais pas là, que je ne voulais pas vivre ça. Ça m’a apaisée et ça a été ma première urgence de vivre, parce que je venais de comprendre que j’avais un risque d’être malade. J’ai pesé sur l’accélérateur et en 2008, j’ai réalisé un grand rêve que j’avais, celui de faire une mission humanitaire à l’étranger avec ma famille. Et en 2009, on m’a offert un contrat pour aller vivre un an en Bolivie. Je suis partie avec ma gang au complet, durant dix mois finalement, parce que j’ai été malade là-bas, mais ça a été extraordinaire. C’était la réalisation d’un rêve, de permettre entre autres à mes enfants de voir comment se déroulait la vie ailleurs qu’au Québec, d’aller à l’école dans un autre pays. Je pense que le fait que j’étais dans l’urgence de vivre par rapport à mon père m’a vraiment poussée à y aller. J’avais un emploi permanent depuis 2003 et quand j’ai demandé un congé sans solde pour aller en Bolivie, ils ont refusé et j’ai démissionné pour réaliser mon projet. »

Tu sais que la maladie va irrémédiablement s’accentuer, est-ce que tu as fait une liste de choses que tu veux faire au cours des prochains mois, des prochaines années?

Oui, j’ai une bucket list. J’ai eu mon diagnostic le 1er juin 2018, à Montréal, quand je suis revenue chez nous, je me suis assise et j’ai fait ma liste. Il y a déjà plusieurs choses que j’ai faites qui étaient sur la liste. Je veux profiter de la vie. L’été dernier, il y avait le congrès à Los Angeles dont je t’ai parlé, et on a passé deux semaines de plus pour aller à la mer, profiter pleinement du voyage et de la Californie. Moi j’adore voyager, je trouve que ce sont des souvenirs qui demeurent. Sinon, sur ma liste, j’avais écrit que je voulais changer souvent de couleur de cheveux! Ultimement, je ne sais pas si ce sera possible, mais j’aimerais faire un safari avec ma famille. Je suis vraiment gaga des animaux, ce serait vraiment cool. Et je veux me faire faire d’autres tatouages. Tu sais, quand tu as conscience que ta vie a une espérance beaucoup plus courte que la moyenne? Je disais tout le temps que je n’aurais pas de tatouages parce que lorsque je vais être vieille, ce ne sera pas beau… Maintenant, je m’en sacre, je ne serai jamais vieille!

Pour plus d’informations au sujet de Sandra Demontigny, je vous invite à consulter sa page Facebook : Je vis avec l’Alzheimer précoce. https://www.facebook.com/Je-vis-avec-lAlzheimer-pr%C3%A9coce-2498481313748044/