Isabel Richer est ce que l’on appelle, dans le jargon du métier, une valeur sure. Une comédienne aguerrie qui peut autant émouvoir, défendre avec brio des personnages dans des drames, mais aussi faire rire le public. Dans La Faille, une série « coup de poing » disponible sur Club Illico, elle défend le personnage principal, une sergent-détective qui a du caractère et du pif!
Texte: Daniel Daignault
Isabel est comme un livre ouvert. Elle se confie sans retenue, avec beaucoup d’enthousiasme et de passion, des propos livrés entre deux éclats de rire. De fait, cette femme est une passionnée passionnante qui, malgré une carrière qui s’échelonne sur plus de vingt ans, malgré l’assurance qu’on dénote chez elle et chez ses personnages, a encore parfois le syndrome de l’imposteur.
Vous le savez sans doute : Isabel est la fille de Gilles Richer, scénariste et réalisateur qui a notamment signé les textes de comédies telles Moi et l’autre, Poivre et sel et Chère Isabelle.
« Ma mère aussi travaillait dans ce métier-là, et mon frère est devenu comptable. Ce n’est donc pas parce que tu baignes là-dedans que nécessairement tu vas suivre les traces de tes parents. Mais si tu as une prédisposition à cela, le fait de tremper dans cet univers fait en sorte que tu ne perds pas de temps à te dire que ce n’est pas pour toi, que ce n’est pas possible. Je connais des acteurs qui étaient loin de ce milieu et pour eux, c’était quelque chose de totalement inaccessible. »
C’est une question de talent avant tout, non?
J’en parle parfois à mon fils, il y en aura toujours pour lui dire qu’il a tel rôle ou tel emploi parce qu’il est le fils de… Quand il a gagné une casquette dans un camp d’été, à titre de meilleur campeur, j’ai entendu un adulte dire: « On sait bien, c’est le fils de… ». Je lui ai dit qu’il devait toujours écouter sa petite voix et se dire qu’il est là pour les bonnes raisons. Tu as beau être le fils de n’importe qui, tu ne vas pas loin si tu n’as pas ce qu’il faut pour le faire. Moi, j’ai moins souffert de cette comparaison-là parce que mon père était un auteur.
À quel moment as-tu vraiment décidé de devenir comédienne?
Je ne me souviens pas de ne pas avoir voulu faire ce métier-là. Dans ma tête de petite fille, je voulais avoir un restaurant et être comédienne. Encore aujourd’hui, je me dis que lorsque je vais être grande, je vais avoir un restaurant!
« Quand je regarde les adolescents autour de moi qui se demandent ce qu’ils veulent faire, je me dis que c’est un énorme privilège d’avoir une passion, d’avoir le goût de faire quelque chose. Comme j’avais le goût de devenir comédienne. »
Depuis ses débuts dans la série Le Sorcier (1995), Isabel Richer constitue une valeur sure pour les producteurs québécois. Et à la maison de production Pixcom, on a été bien inspiré de lui confier le rôle-titre de la série La Faille. Les critiques sont toutes excellentes, et il a déjà été annoncé qu’il y aura une suite à ces huit épisodes.
On peut dire que depuis tes débuts, tu n’as pas manqué de travail, les rôles se sont succédé.
J’en ai vu du monde qui travaille beaucoup durant une période, mais après ça… Je suis pigiste et c’est sûr que je me dis parfois : « Et si tout à coup le téléphone arrête de sonner? » Et pour les femmes, ça change aussi parce que lorsque je suis sortie de l’école, pour les rôles principaux, les filles étaient jeunes, mais là, il y en a beaucoup de filles de mon âge en rôles principaux. On a toujours des moments où l’on se dit : « OK, c’est ça qui est ça… »
Tu es insécure de nature?
Oui, je suis insécure. Ce n’est pas nécessairement l’insécurité de savoir si tu vas avoir de la job ou pas, c’est l’insécurité de savoir si tu vas être à la hauteur, si c’est correct ce que tu fais. Tu sais, cette espèce de syndrome de l’imposteur, je l’ai.
Encore aujourd’hui?
Ben oui! Et je sais que ce n’est pas ça que je dégage, mais je l’ai encore.
Justement, tu joues généralement des rôles de femmes fortes…
Dans Les sœurs Elliot, c’était un personnage qui était vraiment différent. C’était une espèce d’ado de 40 ans qui buvait trop et qui était à côté de ses souliers. Ça faisait du bien de jouer un rôle comme celui-là. Il reste que les premiers rôles féminins sont souvent des femmes fortes, mais ça aussi ça a tendance à changer. Pauline dans L’Ombre dans l’épervier, ou mon rôle dans Lobby et celui dans Trauma, ça change, on a beaucoup plus d’imperfections maintenant dans les rôles féminins.
Ton rôle de Claude dans Ruptures en est un bon exemple!
Complètement. Claude était cassée en miettes, ça tenait de peur, mais elle avait un front de bœuf pour camoufler tout ça. C’était une fragile.
Dans La Faille, tu joues le rôle d’une mère d’une fille (rôle incarné par Maripier Morin), mais ce n’est pas la première fois que tu as un tel rôle?
Écoute, dans la série Lobby, mon personnage avait deux grands enfants, genre 9 et 12 ans, alors que moi j’avais 30 ans. Dans L’Ombre dans l’épervier, j’en ai eu des enfants, je pense qu’ils étaient 21 à faire mes enfants! En fait, j’ai accouché à la télé avant d’accoucher pour vrai!
Est-ce que de jouer autant de rôles de mères t’a préparée à devenir mère?
C’est vraiment un bon exemple de jouer l’amour maternel quand tu n’es pas mère, de s’imprégner de quelque chose que tu ne connais pas. Il y a plein d’affaires qu’on peut expérimenter dans ce métier-là et que je trouve fascinantes. Que ce soit de rencontrer des enquêteurs pour La Faille, aller à Sacré-Cœur pour Trauma et rencontrer des médecins et des infirmières, c’est un aspect qui est fascinant. Il faut que tu t’imprègnes de quelque chose, comme pour Trauma, en allant à l’hôpital et de voir ça, mais je ne ferai pas ma médecine en deux mois! C’est vraiment une affaire d’impressions.
Dans La Faille, tu joues donc une sergente-détective qui doit aller enquêter sur un meurtre qui a été commis à Fermont?
Oui, le meurtre d’une danseuse qui a été retrouvée dans les conduits d’aération du mur.
Ça a été, dit-on, toute une expérience d’aller tourner à Fermont?
Ah bien oui! Et il faisait frette! Et le vent! On a tourné à Fermont les scènes où le mur et la ville sont vraiment identifiables. Mais dès qu’on sort de Fermont, qu’on est dans un camp de chasse, par exemple, on tournait ces scènes à Saint-Zénon. Et… il y a eu une vague de froid, il faisait -40! La première journée de tournage, on commençait à -40 et dans des conditions difficiles parce qu’on n’avait pas accès en voiture au plateau, il fallait y aller en motoneige. Ça a resserré l’équipe et si je pouvais aller me réchauffer entre les scènes, les techniciens, eux, devaient continuer à travailler. C’était froid.
Ça doit quand même être spécial de vivre et de travailler à Fermont?
Oui, parce que l’hiver est extrêmement long. J’ai discuté avec un homme, à la sécurité à l’entrée de la mine, et il me disait qu’au cours de l’année 2018, il n’y a pas eu un mois où il n’y a pas eu de neige. Même en juillet! Il y a peut-être eu trois flocons, mais quand même… Mais cela dit, c’est tellement beau! C’est magnifique.
Et ton personnage?
Céline Trudeau est un méchant buldozer! C’était un défi parce que c’est une cérébrale, une femme qui réfléchit et en même temps, elle est très instinctive. Je l’ai trouvée complexe, Céline. Elle va retrouver sa fille là-bas, et pour elle, Céline n’est qu’un déclencheur de malheurs.
Parle-moi de Maripier, vous vous connaissiez?
On s’était parlé une fois, quinze secondes, dans un gala. Quand j’ai su que c’était elle qui allait jouer ma fille, j’ai trouvé son numéro de cellulaire et je lui ai envoyé un texto pour lui dire qu’il fallait aller boire des bulles et se voir, puisqu’on allait jouer mère fille. On s’est donné rendez-vous, on a pris un verre, et c’était comme si je la connaissais depuis quinze ans. C’est vraiment drôle. C’est simple, c’est une travaillante et elle est une trooper, vraiment une fille de gang. Elle était super bien préparée, elle a énormément d’instinct, c’était vraiment très agréable.
Au fil des années, tu as noué des amitiés avec des collègues?
Christian Bégin est mon ami depuis longtemps, on s’est connus alors qu’il était serveur et moi une cliente. Et j’ai fait l’école de théâtre par la suite. Sinon, de vraies amitiés qui sont nées sur un plateau, il y a une fille qui était deuxième assistante à la réalisation sur Trauma qui est devenue ma grande grande amie. Sylvie Léonard, je ne la connaissais pas et on a travaillé ensemble sur Les sœurs Elliot. Il y a aussi le réalisateur de Trauma et des sœurs Elliot qui est demeuré mon ami. Et il y a des gens que je retrouve toujours avec plaisir, comme Mélissa Désormeaux-Poulin. Ça a été crève-cœur pour moi, que la série se finisse. Ça a été une rencontre! Je souhaite à tout le monde de travailler avec cette fille-là. La charge de travail qu’elle avait sur Ruptures! Le texte, les plaidoyers, les scènes au bureau… Écoute, elle est toujours sur la coche, toujours préparée et est d’une grande générosité envers les autres, comme si le show n’était pas sur ses épaules. Elle a toujours le sourire dans la face, elle n’est jamais choquée, jamais tannée. C’est sûr que je veux la revoir, Mélissa.
C’est une belle aventure, une belle série qui a pris fin cet automne…
Oui, et ça n’arrive pas tout le temps qu’on peut aller à la fin d’une série. On le savait pour Ruptures, et j’ai dit à la première assistante à la réalisation que la dernière scène de ce show-là, je ne voulais pas la tourner et que ce soit que j’aille acheter un pain au dépanneur! Je voulais une scène avec Mélissa, lors de la dernière journée, pour la dernière scène. Je voulais finir ça avec elle. Et c’est ce qui est arrivé.
Tu as toujours la flamme pour ton métier de comédienne?
Ah ben oui! L’année dernière, La Faille, c’était comme un cadeau. Patrice Sauvé (le réalisateur) m’a appelée pour me dire qu’il faisait une série avec Pixcom, avec Fred Ouellet (l’auteur), et il a commencé à me raconter l’histoire. Écoute, j’étais déjà dans l’avion! Vraiment!
J’ai tourné La faille à l’hiver, mais c’est rare qu’on tourne l’hiver. Mais quand le printemps arrive et que je me promène à Montréal et je vois des pancartes rouges et blanches (annonçant des tournages) j’ai des papillons. C’est là que je vois que j’aime encore mon métier.
En ce moment, tu es en pause?
Oui
Jusqu’à…?
Jusqu’à… je ne le sais pas!
En fait, puisqu’il a été annoncé qu’il y aurait La Faille 2, il y a des chances que la comédienne soit en tournage en 2020 pour cette seconde saison.
Tu en as fait, des téléséries, on ne perd pas de temps, tout le monde doit être prêt à tourner. Tu aimes ce rythme?
J’ai presque tout le temps fait des premiers rôles, et même quand ça va vite – dans Trauma, j’en avais des mots, ce n’était pas disable –, et j’avais une responsabilité, mais c’est bien plus confortable pour moi de travailler à vive allure comme ça, que quelqu’un qui vient pour quatre scènes et qui joue, par exemple, le rôle d’une personne qui vient de perdre sa femme dans un accident d’auto. Il ne connait pas l’équipe, il n’est pas en terrain connu, et il faut qu’il soit là, here and now, et c’est bien plus dur. Je me suis toujours donné, depuis longtemps, comme responsabilité de mettre l’autre personne à l’aise pour sa journée à lui. Moi j’en ai 44 scènes, lui il en a peut-être une seule, et elle est tough. Je trouve que c’est ingrat, il y a des gens qu’on voit souvent dans de petits rôles et qui font carrière à jouer, à gagner leur vie, mais à mes yeux, ils font des morceaux de bravoure.
Quand on tourne rapidement, à un moment donné, tu n’as pas le choix: tu en échappes, des scènes. Mon fils a joué dans Cérébrum, c’était la première fois qu’il était de la distribution d’une série, il a fait ses débuts dans un long-métrage. Et en plus, il a pu faire des répétitions, les jeunes ont travaillé ensemble, il a vraiment commencé dans une situation idéale de tournage. Donc, quand il s’est retrouvé sur une télésérie, à un moment donné, il est revenu à la maison et n’était pas content d’une scène qu’il avait jouée. Je lui ai dit : « Tu pellettes par arrière et tu regardes par en avant ». Tu n’as pas le choix de faire ça, sinon tu vas être tout le temps déçu. Tu as eu vingt-cinq minutes pour tourner une scène, t’aurais aimé ça la travailler. Parfois je trouve ça difficile, je trouve ça frustrant parce c’est toujours plein de deuils. Tu te dis que t’aurais pas fait cette scène de cette façon-là, par exemple. Il faut que tu fasses confiance à ton réalisateur ou à ta réalisatrice. S’il te dit: « C’est beau, je suis content », c’est correct, mais tu le sais dans ta tête que tu aurais pu faire mieux, on peut toujours faire mieux. Et comme on a de moins en moins de temps pour tourner, il y a donc des deuils à faire.
Tout le monde sait que tu as été la compagne de Luc Picard, que vous avez eu un fils, mais tu as toujours été discrète au sujet de ta vie personnelle…
Quand on a commencé à s’intéresser à ma vie privée, je n’ai pas décidé de ne pas en parler, ça a été comme un réflexe. Je pense qu’en bout de ligne, c’est une bonne affaire parce que j’ai envie que les gens voient le personnage que je joue, qu’ils ne confondent pas… Ça m’appartient, je ne me cache pas non plus, mais je ne montre pas de photos de vacances. Mon outil de travail, c’est moi, alors j’ai l’impression que j’en montre suffisamment à travers mes personnages.
Mis à part ton métier, tu as depuis plusieurs années une grande passion pour la pêche. Comment en es-tu venue à aimer cette activité?
J’aime ça depuis que je suis toute petite, je mettais mon réveil pour aller pêcher le Crapet-soleil! Je me prenais au sérieux, je partais en canot sur le lac, à huit ans, pour aller pêcher. Dans la vingtaine, je pêchais la truite et un jour, je tournais dans Les grands procès (en ondes en 1995) et Gaston Lepage et Patrice L’Écuyer m’avaient dit qu’il fallait que j’essaie d’aller à la pêche au saumon. Finalement, quand j’ai fait L’Ombre de l’épervier, mon chauffeur, Marius, m’avait amené pêcher le saumon. J’ai pêché le saumon une fois, et je suis ensuite m’équiper, un équipement de la mort! Je savais que dans vingt ans, je pêcherais encore. Je pêche le saumon et la truite, mais ça fait deux ans que je ne suis pas allé au saumon à cause du travail. C’est plate parce que c’est rare, dans la vie, que l’on trouve une activité qui te libère l’esprit, qui te fait un bien fou. C’est tellement zen de moucher. Tu vas peut-être moucher pendant huit heures sans voir un saumon bouger, ou peut-être que tu vas sortir de là avec un saumon de vingt-cinq livres. Mais s’il n’y en a pas de saumon, c’est extraordinaire quand même. Les gens avec qui j’aime pêcher, ils ne courent pas après le saumon. C’est cool et relaxe, tu prends le temps de te faire un feu, de te faire un thé, de regarder la rivière puis de retourner moucher. Je ne suis jamais rassasiée parce que lorsque j’y vais l’été, c’est toujours pour trois ou quatre jours et je dois revenir. Quand je vais être vieille, je vais y aller deux semaines, à la pêche, dit-elle avec un grand sourire.
La cuisine est une autre de tes passions?
J’adore ça, le monde me dit que je cuisine bien. Chaque année, pour la Fondation Marie-Ève Saulnier (https://www.marie-eve-saulnier.org/) dont je suis la marraine depuis douze ans, on met à l’encan un souper chez des gens, pour six personnes. Je le faisais avant avec Christian Bégin, mais il ne le fait plus parce qu’il est trop occupé et c’est Marc Labrèche qui vient avec moi. Il ne cuisine pas, il m’accompagne, et c’est moi qui cuisine pour les gens. C’est un bonheur pour moi. Je me dis parfois que si j’avais un restaurant, je deviendrais folle! Par exemple, si j’ai l’idée de faire des brownies, je vais aller sur internet et je peux regarder soixante-quinze recettes de brownies. Je les compare, je vois qu’il y a telle chose dans une recette que l’autre n’a pas… C’est fou! Je me lève le matin en me demandant ce que je pourrais bien cuisiner le soir. À l’automne, j’achète un agneau complet à Kamouraska, je suis allé le chercher il y a un mois et j’ai déjà planifié mes dumplings, mon épaule braisée…
C’est vraiment une grande passion! Tu n’auras peut-être jamais de restaurant, mais tu pourrais faire un livre de recettes, par exemple?
J’y ai déjà pensé. On m’a déjà offert une émission de cuisine, sauf que je regarde ce que Josée di Stasio a fait, et je ne sais pas ce que je pourrais faire mieux qu’elle. Un livre de recettes, ça ne me prendrait pas trois mois à faire, ça me prendrait du temps. Je serais plus du genre à le cogiter et quand ce serait prêt, j’approcherais alors un éditeur. Peut-être qu’un jour je le ferai.
Tu as toujours cuisiné?
Oui. Quand j’étais au primaire, ma mère faisait des chroniques de restaurants pour une émission qui avait pour titre L’heure de pointe, animée par Michel Desrochers. Elle ne faisait pas les grandes tables, elle n’allait pas au Ritz : elle s’était donné comme mandat, à la fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingt, de dénicher de petits restaurants, des places peu connues. Il y avait à l’époque comme une explosion de restaurants de différentes ethnies, vietnamiens, thaïlandais, etc. ce qui n’existait à peu près pas avant L’Expo. On mangeait donc au restaurant deux à trois fois par semaine et comme elle avait une chronique à faire, on remplissait la table et on goûtait à tout. C’est sûr que ça a contribué à me faire aimer la bouffe et à cuisiner beaucoup.
Quand tu repenses à ta carrière, tous les personnages que tu as eu l’occasion de jouer, est-ce qu’il y en a un qui t’a marquée?
C’est sûr qu’on me parle beaucoup de L’Ombre de l’épervier (les 13 épisodes de la première saison furent diffusés en 1998). La particularité de ça, et on n’a jamais ce privilège-là : j’ai joué le personnage de l’âge de 17 ans, au début du siècle, et je l’ai amenée à environ 55 ans, dans les années 1930. J’ai fait ça quand j’avais 32 ans, et c’était un méchant défi. Avoir 55 ans comme femme de pêcheur en Gaspésie, une femme qui a eu dix enfants et qui avait eu une vie très difficile, c’est quoi ça? Et c’était un 55 ans beaucoup plus vieux en raison de tout ce qu’elle avait vécu. Bâtir ça physiquement, dans l’énergie, la voix, c’était vraiment un défi. Et puisque c’était une télésérie, on ne pouvait pas se lancer dans le latex et le vieillissement. C’était du maquillage, des ombres, et une composition physique de lourdeur, du poids des années. C’était toute une saga.
Il y a un défi que tu aimerais relever au cours des prochaines années?
À part de faire un film avec Almodóvar…
Isabelle affiche un grand sourire et m’explique ce qu’elle veut dire.
C’est un running gag avec mon agent, chaque fois que je pars à la pêche. Je pêche en Gaspésie et il n’y a pas de réseau pour les cellulaires, alors je lui donne toujours le numéro de téléphone de quelqu’un, au resto, ou ailleurs. Et je lui dis : « Si jamais Almodóvar appelle… En bas de ça, tu ne me déranges pas! » Ça fait quinze ans que le running gag roule, que je dis ça, et j’attends toujours! Almodovar, même quand j’aime moins l’un de ses films, j’aime ça. Je ne peux pas ne pas aimer ça. C’est comme Fred Pellerin : je ne peux pas ne pas aimer Fred Pellerin. Peu importe de quoi il me parle, j’aime l’écouter. Et bien Almodóvar, peu importe ce qu’il a à me dire, je vais l’écouter! J’aimerais jouer dans l’un de ses films, avec Meryl Streep et François Cluzet. C’est ça! J’envoie ça dans l’univers et j’attends! Il va en revenir, de Penélope Cruz!
Et Isabel d’éclater encore une fois d’un rire franc pour conclure cette entrevue, ou devrais-je dire, cette rencontre-discussion fort sympathique.