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La gagnante de «La voix» en 2019 – Geneviève Jodoin: bilan d’une aventure qui a changé son quotidien!

Le 5 mai 2019, la chanteuse Geneviève Jodoin était proclamée gagnante de la 7e édition de La Voix. Elle avait alors récolté 47% des votes du public. Son interprétation sentie et touchante de Pendant que, l’une des grandes chansons de Gilles Vigneault, lui a permis de décrocher ce titre tant convoité. Retour sur son parcours et cette victoire inattendue, alors que la 8e édition de La Voix vient de prendre son envol.

Texte et photos: Daniel Daignault

Geneviève Jodoin sur scène, lors du lancement de son album en novembre dernier. Photo: Daniel Daignault

Le 13 novembre dernier, Geneviève lançait son nouvel album, J’ai toujours su, son quatrième en carrière. Un disque pour lequel le travail avait déjà été amorcé, avant que sa victoire à La Voix vienne chambouler sa vie. Une tournée de spectacles est d’ailleurs prévue pour l’automne, mais nous y reviendrons, parlons d’abord de sa participation et de sa victoire surprise, de son propre aveu, à l’émission animée par Charles Lafortune.

Il s’est trouvé des gens pour dire que ce n’était pas juste que tu gagnes parce que tu chantes depuis longtemps dans le milieu…

Oui, mes détracteurs s’entêtaient à dire que j’avais déjà eu ma chance, et moi je leur répondais qu’on ne m’avait pas informée à quel moment ma chance expirait… Je n’ai plus le droit de chanter parce que je suis vieille? Au contraire, c’est là que j’ai le plus d’affaires à dire, et je trouve que ma voix a plus de richesse maintenant.

Faut dire que tu chantes depuis longtemps!

Oui, depuis l’âge de six ans! Si j’avais eu à arrêter, ça fait longtemps que j’aurais arrêté parce que le milieu est difficile. Retourner faire des shows, être maître de mon œuvre, c’est ce que je voulais recommencer à faire, et La Voix m’a permis cela.

Qu’est-ce que ta victoire à La Voix a changé?

Ça a changé mon quotidien. Moi, je ne connaissais pas le grand public. J’avais mon public, les gens qui regardaient Belle et Bum, qui venaient à mes spectacles. Là, ça a été différent. Ça a été difficile au début, d’avoir des gens qui voulaient faire des photos avec moi et me parler, ou qui m’interpellent, ce à quoi je n’étais pas habituée. C’est spécial. Il y a des gens qui sont venus me voir à l’auberge l’été dernier, et il est arrivé qu’il  y en ait qui soient déçus de ne pas pouvoir me parler autant qu’ils l’auraient souhaité, parce que je courais comme une folle. Je servais en cuisine tout en faisant la billetterie et en aidant mon chum à replacer la salle pour que le show commence à temps. Mais bon, je vais m’habituer, ça a été tellement lent ce processus-là dans ma vie que je ne m’y suis pas habitué parce que c’est arrivé raide, tout d’un coup. Je fais la même chose que je fais depuis vingt ans et ça s’est rendu au grand public avec La Voix et c’est tant mieux, parce que ça va peut-être me permettre de durer, contrairement où j’en étais avant.

Geneviève et son compagnon de vie, le musicien Frédéric Boudreault, sont propriétaires de l’Auberge La Fascine à l’Isle-aux-Coudres. C’est leur commerce, il y a un resto et une salle de spectacle, où viennent chanter différents artistes, et Geneviève se produit évidemment souvent sur scène. Mais en choisissant de s’établir là-bas, de vivre à fond ce projet de vie, la chanteuse qu’on a vue durant sept ans à titre de choriste à Belle et Bum, s’est quelque peu éloignée de son métier et est devenue en quelque sorte moins accessible pour différents contrats. « J’étais moins en demande, parce que j’habite à quatre heures de route, alors des contrats de publicité, par exemple, je n’en fais pratiquement plus. »

La Voix, forcément, lui a permis de sortir de l’ombre et de pouvoir dire haut et fort qu’elle chantait toujours. « C’est le même phénomène que des gens qui font du théâtre depuis vingt ans et qui obtiennent un rôle important dans un téléroman. Et on leur dit : « Mais t’étais où avant? » Je me fais comme un devoir d’expliquer aux gens que lorsqu’ils aiment quelqu’un, un chanteur ou une chanteuse, ils peuvent s’informer, « googler » son nom de temps en temps pour savoir ce qu’il fait. Attends pas qu’il passe à la télé, parce qu’il n’y en a pas d’émission, à part Belle et Bum, qui propose au public des gens qui ne sont pas déjà connus.

« Il ne faut pas se le cacher : j’ai fait des choix, j’ai voulu avoir trois enfants. Je ne leur reproche rien, je les ai toujours trainés avec moi partout, mais c’est sûr que ça ne simplifie pas la tâche de dire que maman s’en va en tournée. Mais je vais m’adapter et ils vont s’adapter, parce que c’est ça, mon métier. Et si maman chante, ils savent que maman est heureuse. »

Il reste qu’on faisait moins appel à toi ces dernières années, en partie parce que tu étais à une bonne distance de Montréal?

J’avais parfois des p’tits « down ». Il ne fallait pas que je sois trop sur les réseaux sociaux, à voir comment tout le monde avait donc l’air heureux, parce que je me disais : est-ce qu’il n’y a que moi qui ne suis pas à telle place? Ou est-ce qu’il n’y a que moi qui ne suis pas sur ce show-là? Tu deviens un peu parano.

Tu as certainement contribué à attirer des touristes à L’Isle-aux-Coudres l’été dernier, tu en as tellement parlé dans les médias!

C’est drôle parce qu’on en a déjà parlé avec le directeur de Tourisme Charlevoix. Il me disait : « Tu n’as pas besoin d’être leur égérie, tu l’as déjà fait et on ne t’a rien demandé. » En plus, il y a Caroline Desbiens qui a été élue députée du Bloc Québécois en octobre dernier. C’est ma grande chum, on est deux chanteuses-aubergistes, c’est vraiment spécial!

On t’a souvent dit que le fait d’être à L’Isle-aux-Coudres, justement, n’était pas de nature à aider ta carrière de chanteuse?

Oui, il y a beaucoup de personnes qui me disent que je vais finir par revenir vivre à Montréal. Pourquoi? Ça ne me dérange pas de faire de la route, j’ai acheté un char hybride, justement, pour ne pas me sentir coupable. Ça m’accommode d’habiter là. J’ai adoré vivre à Montréal, et maintenant j’aime y venir en touriste, voir des amis, des proches, mais retourner chez nous.

À l’auberge, la somme de travail est considérable?

Oui, c’est énorme. C’est un resto, il y a huit chambres et il y a des spectacles, notre salle comprend 84 places assises. Notre grosse saison commence à compter de la Saint-Jean.

Et la femme d’affaires?

Les chiffres, ce n’est pas moi, c’est Fred qui s’en occupe. Et sans notre gérant à l’auberge, Simon Vadnais, ni Fred ni moi n’aurions été capables de faire rouler l’auberge. Il est entré comme stagiaire chez nous et il est encore là, il est venu à l’Isle après son cours d’hôtellerie et il n’est jamais reparti.

En spectacle à La Fascine, en compagnie de Frédéric Boudreault.

J’imagine qu’en vivant à L’Isle-aux-Coudres, avec le fleuve à ta porte, tu dois être préoccupée par tout ce qui touche à l’environnement?

Évidemment, l’environnement me tient à cœur parce que je vis entourée d’eau. Je vois passer des bateaux tous les jours sur le fleuve et j’ai toujours une angoisse. Autant je trouve ça beau, que c’est une carte postale, autant je me dis souvent que s’il y en a un qui se déverse devant chez nous…  J’ai toujours eu un côté écolo, d’acheter moins de plastique, j’ai toujours fait les costumes d’Halloween des enfants, récupérer des tissus, et c’est vraiment depuis que je vis ici que je suis plus consciente de ce qui pourrait se produire. Ça me préoccupe beaucoup.

Tu as trois enfants – Jules, 16 ans, Zénon, 11 ans, et Félixe 10 ans –, comment  ont-ils vécu ton aventure à La Voix?

En fait, quand j’ai reçu l’appel des gens de la préaudition de La Voix pour m’annoncer que j’avais été choisie, je ne leur en avais pas parlé encore. J’attendais de voir comment les choses allaient se passer. Je leur ai donc appris la nouvelle, en leur disant que s’ils ne voulaient pas que je participe à l’émission, je ne le ferais pas. « Si je le fais, on va le faire tous ensemble », que je leur ai dit. Et c’est ce qui est arrivé. C’était lourd pour eux car à la fin, j’ai été cinq semaines à ne pas être à la maison. Quand tu gagnes, tu ne peux pas repartir, et dans mon cas, ça voulait dire que je ne pouvais pas retourner à L’Isle-aux-Coudres. Il faut savoir que la somme de travail est immense, on a des tonnes de tounes à apprendre, et il y a toujours le spectre que si tu gagnes, il faut que tu trouves autre chose pour la semaine suivante. Tu es toujours en réflexion. J’ai fait un aller-retour fait un aller-retour parce que je m’ennuyais trop d’eux. Mais eux, ils sont venus assister à l’émission chaque semaine, ils ont manqué l’école, ils voulaient être là. Après la finale, il a fallu que je retrouve mon rôle à temps plein.

Geneviève, accompagnée par son fils Jules.

Tu sais que ta victoire à La Voix, à l’âge de 40 ans, a peut-être fait réaliser à une foule de personnes qu’il n’est jamais trop tard pour réaliser ses rêves, même pour changer de carrière!

Il y a une chanson sur l’album qui a pour titre La soupe aux fleurs et ça fait exactement référence à cela. Il n’est pas trop tard, tu peux faire ce que tu veux dans la vie, c’est à toi de décider. Si tu n’aimes pas ta vie, fais juste un petit geste concret, et parfois, un petit geste concret peut devenir un gros gros geste concret qui change le cours de ta vie. Moi j’ai toujours été comme ça, comme lorsque je suis partie vivre là-bas, qu’on a acheté l’auberge. Mon chum aussi est comme cela. Quand ça stagne, on se demande : « Qu’est-ce qu’on fait? »

Justement, est-ce qu’il y a des personnes qui t’écrivent ou qui t’ont dit que ta victoire leur avait procuré l’élan dont elles avaient besoin?

Mais tellement! Et ça, c’est touchant. Les gens viennent me dire des choses comme ça, et je ne le réalisais pas sur le coup. Je le faisais pour changer ma vie à moi, mais j’ai compris que ça a eu un écho chez bien des gens. J’ai pris à cœur cette mission-là, pendant l’émission, de représenter les filles de mon âge qui ne sont pas trop vieilles pour faire ce qu’elles avaient envie de faire. Et je représentais aussi la vie en région éloignée, en ce sens que ce n’est pas juste à Montréal que ça se passe, la vie.

Ça a eu un impact sur tes enfants?

Je pense qu’ils savent maintenant qu’il n’y a rien qui peut les arrêter. Ils regardent aller maman et papa et parfois, ils sont épuisés tellement nous sommes intenses!

Un mot sur ton album?

Il a pour titre J’ai toujours su, et j’en suis fière parce que c’est vraiment un grand album selon moi. Il y a dix chansons et j’aborde vraiment les thèmes qui me sont chers, comme le fleuve, l’avenir des enfants, l’écologie, tout en passant toujours par l’amour. J’ai aussi eu des collaborations, Fred (Frédéric Boudreault, bassiste, qui a aussi réalisé l’album) a écrit plusieurs textes, j’ai travaillé avec des pros comme Nadine Turbide, Simon Godin, Alexis Martin et d’autres auteurs. Ça fait longtemps que je travaille avec eux. C’est un album qui s’est fait rapidement, même si le travail avait déjà été amorcé, parce qu’il fallait qu’il soit lancé sans tarder. On m’a laissé beaucoup de liberté du côté de Musicor, on m’a fait confiance, du fait que j’avais déjà trois albums derrière la cravate, que j’ai 41 ans et que je savais où je m’en allais et que j’avais des choses à dire. C’est sûr que tous ces gens qui ont fait en sorte que je sois redevenue au premier plan, je n’ai pas le choix de leur parler, de les remercier de tout ça. Et toute cette aventure de La Voix a aussi nourri l’écriture de Fred d’une nouvelle façon.

« J’avais fait mon album précédent il y a quatre ans. Les chansons de Tableau n’ont pas tourné et j’ai fait trois ou quatre spectacles dans des salles de diffuseurs que je connaissais, mais je n’étais pas à la télé. Et je les comprends, les diffuseurs, j’en suis un avec ma salle à l’auberge. Le risque est plus grand, c’est de plus en plus dur de vendre des billets d’auteurs-compositeurs un peu obscurs. »

Pour plus de détails au sujet de Geneviève, ses spectacles à venir, consultez son site: https://genevievejodoin.ca/

Les photos de Geneviève Jodoin ont été réalisées à l’HOTEL10 Montréal.