19300017124.8dd5717.21bf68dc932f4c2f95a1be411c9aab2d

nancie ferron ET DANIEL JOANNETTE – LA MAISON LAVANDE, un beau rêve qui sent bon!

Nancie Ferron et Daniel Joannette étaient tous deux journalistes au réseau TQS lorsque je les ai connus. Un couple charmant, des journalistes d’expérience, des collègues sympathiques et aimés de tous. Un couple qui a eu de l’audace puisqu’il a décidé un jour de se lancer tête première dans un projet fou qui a donné naissance à La Maison Lavande, une entreprise québécoise parmi les plus prisées du grand public et qui connait énormément de succès.

Texte et photos: Daniel Daignault

La Maison Lavande, située à Saint-Eustache, fait courir les gens depuis onze ans et le succès ne se dément pas. J’ai pu constater moi-même, tout récemment, à quel point les gens, très nombreux, adorent l’endroit, y passent beaucoup de temps pour se gâter l’esprit, les yeux et l’odorat, et magasinent les produits maison qui sont proposés dans les boutiques.

Nancie Ferron.

Nancie, raconte-moi comment cette belle aventure est née ! Le temps passe vite, vous en êtes déjà à votre 11e année ?

Oui, déjà, on a ouvert nos portes le 21 mai 2009, et on a quitté la télé en août 2008. Heureusement qu’on avait commencé le projet avant, parce qu’on n’aurait jamais pu ouvrir neuf mois après avoir perdu nos emplois. Pour raconter l’histoire, il faut revenir en arrière, en 2006, lorsqu’on a fait un voyage en France. Un voyage pour le plaisir, et Daniel voulait absolument me montrer les Gorges du Verdon et le Plateau de Valensole. En arrivant à cet endroit, on a vu ces immenses champs de lavande, qui n’étaient pas en fleurs parce qu’on était en septembre, et il m’a dit : « Pourquoi on ne ferait pas ça chez nous ? »

C’était le rêve de Daniel de revenir à la terre, de faire de la culture, ce n’était pas le mien. Nous habitions à Saint-Eustache, et toutes les terres étaient louées à des agriculteurs qui faisaient de la culture maraichère, et il avait vraiment envie de reprendre une partie de ces terres pour faire sa propre culture. Moi je n’avais aucun intérêt dans l’agriculture, mais j’ai dit à Daniel que j’allais l’encourager. Dans le plan initial, il se trouvait une passion avec l’agriculture et moi je gardais mon emploi, parce que ça allait super bien. J’avais une chronique à heure fixe dans le bulletin de nouvelles de TQS qui était le plus écouté, tout allait bien, et je ne me voyais pas arrêter.


« Avoir son entreprise comporte son lot de défis. Et nous sommes fiers d’avoir réussi à créer un super beau lien avec nos clients » – Nancie Ferron

Tu n’avais pas mis ton métier de journaliste en veilleuse ?

Non, loin de là. J’étais vraiment bien, j’adorais cela et je n’en voyais pas la fin. Quand Daniel a commencé à faire des tests avec la lavande et qu’on a vu que ça fonctionnait, ça a commencé à devenir intéressant parce que lorsque j’étais étudiante à l’université, j’étais parfumeuse pour les parfumeries Dans un Jardin. J’avais un bon nez et mon travail consistait à créer des parfums sur mesure pour des clients, et je m’étais juré qu’un jour, je reviendrais à la parfumerie. Mais j’imaginais que ce serait bien plus tard, quand j’aurais dépassé les 65 ans, à ma retraite. Mais comme Daniel cultivait la lavande, je me disais qu’il pouvait me fournir de l’huile essentielle et avec l’huile, ça pouvait devenir intéressant de faire des produits cosmétiques. On a donc réalisé qu’on avait un projet rassembleur, et dès le départ, c’était un projet agrotouristique. On pouvait très bien avoir des champs de lavande et ne pas ouvrir au public, mais nous voulions que les gens puissent profiter de cette beauté-là.

Nancie et Daniel, entourée de proches lors du tournage d’une publicité télé.

Le projet a alors véritablement commencé à prendre forme ?

Oui, on s’est mis à rebâtir des bâtiments, et j’ai commencé à développer des produits. Daniel m’a alors dit qu’on n’y arriverait pas et qu’il serait préférable qu’il demande un congé d’un an sans solde de son travail de journaliste à TQS. J’ai décidé de remettre ma démission comme employée permanente à TQS pour devenir pigiste, et je voulais leur offrir de travailler un peu moins.

Nancie et Daniel, d’heureux entrepreneurs!

C’était un plan qui avait du sens, que s’est-il passé par la suite ?

Le jour où l’on a demandé à notre employeur de le rencontrer pour lui faire nos demandes, il nous a dit qu’il ne pouvait nous voir, et qu’il ne pouvait nous dire pourquoi il ne pouvait nous rencontrer… Deux heures plus tard, on apprenait que TQS allait fermer sa salle de nouvelles et cesser ses activités. Le concours de circonstances était incroyable, on n’en revenait pas. Tout le monde, les personnes qui étaient proches de nous étaient catastrophées pour nous, parce que nous étions deux à perdre nos emplois, notre famille allait en subir les contrecoups, mais nous on a vu ça comme un signe du destin. Tout s’alignait pour que nous puissions nous consacrer à notre projet.

Daniel Joannette, le journaliste devenu entrepreneur!

Rappelons que c’est le 29 août 2008 que TQS a diffusé la toute dernière édition du Grand Journal, son bulletin d’information. Du coup, ce sont 400 personnes qui ont perdu leur gagne-pain à la suite de cette décision.

« On a travaillé à TQS jusqu’à la dernière journée, à la fin août 2008, et on s’est ensuite consacré à temps complet à bâtir La Maison Lavande », confie Nancie Ferron.

Tu as tout de même continué à travailler comme journaliste ici et là ?

Oui, mon petit côté inquiet a fait en sorte que j’ai décroché quelques contrats comme pigiste. J’avais une chronique consommation à la radio de Radio-Canada, avec René Homier-Roy, j’écrivais pour le Reader’s Digest, je faisais de la pige pour Deux filles le matin… Mais plus le temps avançait, moins j’avais de temps et j’ai commencé à laisser tomber des contrats. On a ouvert le 21 mai 2009 et tout de suite, ça a fonctionné. Quand on a ouvert, on avait 30 000 plants de lavande, 35 produits cosmétiques, et on calcule qu’on a accueilli de 10 000 à 12 000 personnes dans nos champs, ce qui était énorme pour une entreprise qui n’était pas connue. Il y avait un engouement et on savait qu’on profitait de la proximité de Montréal, donc on avait un gros bassin de population. Et il faut dire aussi qu’on est  dans une région agrotouristique super active, il y a plusieurs entreprises qui font des choses différentes. On savait qu’il y avait une belle circulation, mais on ne pensait pas que ça allait fonctionner comme ça dès le départ. Alors j’ai fait de la pige durant deux ans, puis j’ai laissé tomber, je n’avais plus le temps.

Nancie Ferron, photographiée dans l’une des deux boutiques accessibles aux clients de la Maison Lavande.

Après 11 ans, vous connaissez énormément de succès et on peut dire que La Maison Lavande est sur une belle lancée !

Aujourd’hui, on a 150 produits de parfumerie, 35 produits gourmands et 5 boutiques incluant la boutique en ligne. En 2018, nous avons eu 50 000 visiteurs, et un peu plus l’année dernière. Je dirais que toutes mes craintes se sont envolées au fur et à mesure que l’entreprise grossissait. On veut que les gens aient du plaisir à venir chez nous, qu’ils prennent du temps pour se retrouver ensemble, être dans de la beauté, parce que c’est beau, des champs de lavande! Daniel dit tout le temps qu’il voulait simplement ajouter un peu de beauté… 🙂

Vous n’étiez pas du tout des entrepreneurs à la base, ça a été un jeu d’essais, d’erreurs et de succès ?

Exactement. On avait quand même une force : nous étions tous deux journalistes, et dans notre travail, nous avons été habitués à nous faire donner une affectation, trouver les personnes ressources et se débrouiller pour en arriver à faire un reportage. Il y a beaucoup de choses à faire pour maîtriser un sujet, et tu dois le rendre en direct à 16h30. Alors je dirais que ce réflexe-là, cette habitude de travail, est devenu super important pour nous en tant qu’entrepreneurs parce qu’on ne connaissait presque rien. Il a fallu s’informer, trouver les bonnes personnes ressources, les appeler, et nous avons réalisé que les gens adorent partager leur savoir parce que c’est souvent une passion pour eux. Plusieurs personnes ont accepté de nous aider, nous ont donné des conseils, on en a engagé aussi pour profiter de leurs connaissances. C’est fou le nombre de personnes qui ont cru en ce projet-là dès le départ et qui nous ont donné un coup de main. Ça a été incroyable. On a recueilli toutes les informations nécessaires, puis on a fait le tri en fonction de ce qu’on voulait, et on s’est fié aussi beaucoup à notre intuition pour la mission et nos valeurs.

C’est tellement difficile au départ parce qu’on est très sollicités, il y a beaucoup de demandes de toutes sortes. Je pense que ça faisait à peine un an que nous avions lancé La Maison Lavande que Winners Canada nous a offert de vendre tous nos produits dans tous les Winners du Canada ! Tu imagines le coup d’argent qu’on aurait fait ? Mais on a dit non… Je me suis couchée ce soir-là en me disant que je ne pouvais croire que j’avais dit non à Winners Canada, mais on a complètement assumé cette décision-là.

Vous aviez vraiment une vision de ce que vous souhaitiez pour l’entreprise ?

Oui, on ne voulait pas que nos produits se retrouvent dans des magasins parmi d’autres produits, sans que les gens connaissent l’histoire derrière ces produits, sans qu’ils soient au courant de notre démarche. Nous voulions établir une marque, devenir une maison de parfumerie québécoise reconnue, et créer aussi un sentiment d’attachement des gens pour nos produits. Qu’ils comprennent le choix de chaque matière, des ingrédients de chacun des produits. C’est pour ça qu’on a nos boutiques, et non pas des franchises ; on ne voulait pas être dans les pharmacies, dans les épiceries. Ça devient parfois difficile de faire ces choix-là, mais en fin de compte, on est super fiers de voir ce qu’on a réussi à créer.

Et ce n’est pas fini !

Non, on a vraiment beaucoup d’ambition. On est une petite équipe, une entreprise familiale, et nous sommes très agiles. On s’ajuste tout le temps, et on pense que c’est cette ambition-là qui est le moteur des entrepreneurs. Oui, parfois on est surpris par le succès, quand on voit qu’il y a encore de la demande, plus de gens qui veulent des produits, et c’est vraiment la beauté de la chose d’être une petite entreprise et de pouvoir constamment s’ajuster selon les situations et les besoins des clients.

Nancie et Daniel, dans leurs champs de lavande.

De fait, vous avez vraiment une belle relation avec vos clients, je t’ai vu prendre le temps de leur parler, de leur souhaiter la bienvenue…

C’est ça qui est formidable, les gens peuvent venir nous parler directement, nous disent quels produits ils aimeraient avoir, ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas. Il y a donc des produits qui sont disparus et de nouveaux qui ont fait leur apparition. C’est vraiment gratifiant d’avoir cet échange et cette proximité avec les gens. On est hyper présents sur les réseaux sociaux depuis trois ans, ce qui nous permet d’avoir une belle interactivité avec les clients. Quand les gens ont des demandes particulières ou des suggestions, on les écoute, on prend le temps de répondre à tout le monde, d’établir une relation avec eux. Et à la Maison, ils viennent nous voir Daniel et moi, comme ils le faisaient quand on travaillaient à la télé. Nous sommes vraiment privilégiés d’avoir une aussi belle relation avec notre clientèle. Avant, je parlais à une lentille de caméra et les gens réagissaient à ce que je faisais, à mes reportages et mes chroniques, et j’avais peur de perdre ce contact, ce lien avec le public. Et une certaine reconnaissance aussi pour mon travail. Je peux te dire qu’aujourd’hui, les liens sont encore plus fort avec les gens que je ne l’avais osé imaginer.

Marjolaine et Florence, les deux filles de Nancie et de Daniel.

Tu parlais d’entreprise familiale, vos deux filles, Marjolaine et Florence, travaillent avec vous ?

Oui, on est tout le temps ensemble, elles alimentent entre autres les réseaux sociaux, et les gens qui nous suivent nous connaissent, savent ce que l’on vit, autant les beaux côtés que les plus difficiles. Quand on a commencé, on n’avait pas l’idée d’en faire une entreprise familiale. Il y avait déjà Simon, notre neveu, qui travaillait avec nous. Il est le bras droit de Daniel. Mais les filles, ça n’a jamais été dans le plan. Flo travaillait à Radio-Canada, elle a développé le site ICI TOU.TV, et un jour elle nous a dit qu’elle voulait quitter son emploi pour travailler avec nous. C’était il y a sept ans et on a eu tout un choc. On a profité de son expertise, mais j’avoue qu’on a eu peur au début parce qu’on devenait responsable d’elle et de son bonheur, puis on s’est dit qu’on allait l’essayer. Écoute : elle a appris le graphisme et s’occupe de notre site, elle est devenue le chien de garde de notre marque de commerce, elle s’est beaucoup intéressée à l’aspect marketing et au placement de pub. Elle avait cette volonté d’apprendre, d’aller chercher les ressources. Ça a été une super belle acquisition. Pendant ce temps-là, Marjolaine complétait son bac à l’université en marketing, et le jour où elle l’a terminé, sa sœur est partie en congé de maternité. Elle a donc remplacé Flo, mais on lui a dit que si elle voulait rester au retour de sa sœur, il fallait qu’elle fasse sa place parce que nous n’avions pas l’idée d’avoir une autre personne au marketing. Et elle a fait sa place de belle façon ! Elle s’est lancée sur les réseaux sociaux, elle a commencé à faire les fils d’alimentation, les publications, et elle gère tout ça aujourd’hui. On est vraiment tissés serrés tous les quatre, et on a aussi une autre employée clé, la meilleure amie de Florence, qui est devenue notre directrice des ressources humaines.

Marjolaine, en compagnie de son fils.

Vous êtes ensemble depuis 20 ans, Daniel et toi, le fait de constamment travailler ensemble n’a pas causé de friction ?

Non, jamais, mais je dirais qu’au départ, ça a été difficile de trouver nos repères. Il faut vraiment miser sur les forces de chacun, on n’est pas bon dans les mêmes affaires. Daniel est beaucoup plus près du monde des affaires et des chiffres, c’est lui le visionnaire, celui qui s’occupe de la lavande et des champs. Il a plus de facilité à se projeter dans l’avenir. Moi, je suis du côté de la création, du développement des produits, des relations publiques. On a donc appris à travailler en collaboration et toutes les décisions se prennent à deux.

Pour plus de renseignements, visitez le site https://www.maisonlavande.ca/fr/

Quels conseils donnerais-tu à toutes les femmes qui voudraient suivre vos traces, se lancer en affaires?

Il faut prendre le temps avant de se lancer, ça ne se fait pas sur un coin de table entre deux verres de vin… Il faut bien étudier son plan, son projet par rapport à la compétition, l’endroit où tu vas t’installer, la viabilité de ce projet. Il faut faire le travail en amont, il ne faut pas improviser. Tu ne peux pas dire: « Il y a un local libre sur cette rue, j’ai toujours eu envie d’avoir une boutique de fleurs… » Ça ne peut pas fonctionner comme ça. Il faut aussi se faire un devoir de se coller à ses passions. Moi, jamais je n’aurai un commerce d’alimentation, je n’aurai pas de restaurant ni de café non plus. Je ne serais pas capable de vivre avec le stress qu’implique de gérer, par exemple, des denrées périssables. Il faut beaucoup faire de l’introspection pour savoir avec quoi on est bien, parce que s’il y a un aspect avec lequel tu composes mal et que tu ne peux pas combler avec un associé ou une personne clé, oublie ça, ça ne marchera jamais. Il faut connaître ses forces, savoir dans quoi on est bon et bien s’entourer. Ce que tu n’es pas capable de faire, il faut que tu ailles chercher les bonnes personnes à l’extérieur pour t’aider.

Dans votre cas, vous avez vraiment découvert un autre univers en vous lançant dans cette aventure ?

Tout à fait ! C’est notre plus grande surprise, on ne pensait jamais qu’on allait aimer l’entrepreneuriat à ce point-là. On a découvert un monde ! C’est comme quand tu as 20 ans et que tu découvres quelque chose de nouveau et que tu en deviens complètement passionné. Nous, on a eu la chance de vivre ça à 40, 50 ans. Un nouveau métier, un nouvel univers, c’est comme si on avait 20 ans !

Florence, Nancie, Daniel et Marjolaine.

Bref, une nouvelle carrière !

Oui, j’ai été journaliste durant vingt ans, et ça fait onze ans que je suis entrepreneure. C’est comme si j’avais eu deux vies, et pour le mieux !

Au temps de la Covid-19, on a tout mis en place à La Maison Lavande pour offrir à la clientèle le plus beau, le mieux et le plus sécuritaire. Ainsi, les champs de lavande sont accessibles de 10h à 17h tous les jours, et l’on doit bien sûr respecter les mesures de distanciation. Des voies de circulation ont été mises en place et on limite le nombre de personnes en boutique. Pour plus de renseignements : https://www.maisonlavande.ca/fr/blogue/articles/faq-notre-maison-lavande-en-temps-de-covid-19