Son nom est Mélanie Pilote, elle est l’âme, la présidente fondatrice et designer de l’entreprise de bijoux Melanie Stones. À titre de designer, elle imagine et conçoit les bracelets, colliers et boucles d’oreilles qu’elle offre à sa clientèle, une véritable passion qui l’a amenée, après avoir passé plus de vingt ans dans le domaine de l’actuariat, à effectuer un changement drastique de vie.
Par Daniel Daignault
C’est dans un café situé dans le Vieux-Montréal que j’ai rendez-vous avec Mélanie Pilote. Dynamique à souhait, cette femme verbomotrice ne fait ni une ni deux et entreprend de se confier avec enthousiasme, comme si nous étions de vieux amis qui se retrouvaient après s’être perdus de vue durant des années. Une fille du lac sympathique et joviale, et surtout passionnée.
Il y a déjà cinq ans que vous avez changé de carrière, vous êtes heureuse ?
Je suis à la fois heureuse et surtout fière d’en être rendue là, parce que ma crainte était de grossir trop rapidement et de ne pas être en mesure de répondre à la demande. Je veux continuer à faire mes bracelets moi-même, à m’impliquer à tous les niveaux, et la compagnie évolue à un rythme que je suis en mesure de soutenir. Honnêtement, je ne pensais jamais connaître un aussi grand bonheur, qu’il y aurait autant de choses positives qui se produiraient, et que mes clientes m’écriraient des mots aussi gentils. Je ne croyais pas cela possible. Je te dirais que ce que je vis, je pourrais comparer cela à une personne qui aurait été aveugle toute sa vie et qui, un jour, retrouverait la vue. Il découvre un monde, des choses qu’il n’avait pu imaginer, et je me sens exactement comme cela. Je n’ai pas l’impression de travailler parce que j’adore ce que je fais, c’est devenu une grande passion. Gabrielle Chanel est mon idole, sa façon d’être et sa carrière m’inspirent beaucoup. J’ai déjà entendu cette histoire voulant qu’un journaliste avait eu l’audace de lui téléphoner, un soir, à vingt-deux heures et il avait été étonné qu’elle soit encore au travail. « Vous travaillez encore, Madame Chanel ? » Elle lui avait répondu : « Moi, je ne travaille jamais ! »
Il y a déjà un gros sentiment d’appartenance, pour les clients, à Melanie Stones, en raison entre autres qu’elle s’implique elle-même dans la création des bijoux, entièrement faits à Montréal.
Si l’on faisait d’abord la petite histoire de Mélanie Pilote, avant de parler de Melanie Stones ?
Je viens du Lac Saint-Jean et enfant, j’avais un côté artistique très développé. C’était vraiment une passion, je faisais toutes sortes de choses, des bricolages, et j’étais pas mal habile. J’étais aussi une première de classe, j’étais bonne dans toutes les matières, c’était facile pour moi. Je me souviens avoir dit un jour à mes parents, à l’âge de 13 ans, que mon rêve était d’être coiffeuse. Disons que ce métier ne correspondait pas tout à fait à leurs attentes envers moi. Ils étaient professeurs et m’ont convaincu qu’il était important d’aller à l’université, et j’ai finalement oublié ce rêve de jeunesse. J’étais ambitieuse et ce qui était valorisé à ce moment était d’étudier en médecine, en génie, en actuariat. Pour faire une histoire courte, j’ai obtenu une bourse et j’ai décidé d’aller étudier en génie à Chicoutimi. Mais après avoir obtenu mon baccalauréat, j’ai réalisé que je ne voulais pas vraiment travailler dans ce domaine.
Quelle a été la suite des choses ?
J’ai décidé de suivre ma première idée et d’étudier en actuariat. J’ai fait mon baccalauréat et rapidement, j’ai commencé à travailler dans ce milieu pour de grosses firmes à Montréal.
Vous avez mis de côté votre sens artistique très développé qui vous animait tant enfant et adolescente?
Oui, complètement. Je me suis concentrée sur mes études qui étaient exigeantes. Je me pensais bien bonne en maths, mais la compétition était très forte, nous étions les meilleurs réunis, à étudier ensemble.
Vous aimiez cela? Plus que le génie ?
Oui, j’ai aimé ça, j’ai un côté cartésien et je sentais que j’étais dans mon élément. J’ai travaillé vingt ans dans ce domaine et je peux dire que je me suis épanouie dans ce travail-là.
Comment en êtes-vous venue à quitter votre emploi et à mettre sur pied la compagnie Melanie Stones ?
J’avais envie de fonder ma propre entreprise, et j’étais fascinée par le branding. Je voulais bâtir une marque, quelque chose de spécial qui correspondrait à mes goûts, mais je n’avais pas mis le doigt dessus. En effectuant des recherches, j’ai trouvé un spécialiste du branding à Montréal. Je lui ai téléphoné et nous sommes allés prendre un café ensemble. Ça a été le moment déterminant pour la mise sur pied éventuelle de Melanie Stones. J’avais 42 ans à ce moment-là, c’était l’été 2014, et il m’a dit lors de notre rencontre: « Pour partir une compagnie, tu dois d’abord trouver ce qui te passionne. Même si tu vends des épingles à linge, si c’est ça qui te passionne, ça va marcher. » Il m’a proposé de m’aider à trouver l’essence de mon identité. Je trouvais ça difficile parce que de te faire dire que tu n’as pas encore trouvé ce qui te passionne dans la vie, je voyais cela comme un échec. Ça a été une grosse prise de conscience et j’ai travaillé avec lui, il m’a fait remplir un questionnaire et nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises pour discuter. Finalement, quand est venu le temps de tirer des conclusions, après avoir fait un méga ménage dans mon questionnaire, il a pondu un rapport et m’a dit : « Toi, l’essence de ton identité, c’est de savoir reconnaitre la vraie beauté. » À partir de cela, j’ai décidé de bouger : j’ai quitté mon emploi d’actuaire et j’ai cherché quelles étaient mes forces en lien avec la vraie beauté. Je pensais à l’art, les peintures, mais ça ne m’allumait pas tant que ça. C’est lorsque je suis allé voir l’exposition Fabergé au Musée des beaux-arts de Montréal que l’idée est née. Quand je m’approchais des pierres, ça me faisait vibrer, c’était incroyable l’énergie que ça me procurait. Il y avait quelque chose qui se passait à l’intérieur de moi, dans ma tête, tellement que je suis retournée une seconde fois à l’exposition.
Et l’idée vous est venue de faire des bijoux ?
Le 8 janvier 2015, j’étais assise devant le téléviseur avec ma fille et je faisais des recherches sur internet. Je suis arrivée sur une page où l’on parlait des pierres fines et, tout bonnement, j’ai eu l’idée de faire des bijoux avec ça. Les choses se sont enchainées rapidement, j’ai d’abord trouvé un fournisseur de pierres avec qui je travaille toujours aujourd’hui. Dès le début, il était clair que je voulais voir à tout, autant la conception des bijoux, faire moi-même les colliers et les bracelets, en plus de faire la gestion des commandes et des réseaux sociaux, et bien sûr la comptabilité.
J’ai bien sûr plusieurs personnes qui m’aident à y arriver, notamment des joaillières et des gemmologues qui sont à Montréal, les meilleurs dans le domaine.
Vous êtes seule à diriger votre entreprise ?
Un partenaire s’est joint à moi en 2017, il a injecté de l’argent, mais je l’ai finalement racheté. Ça a démarré vite, j’ai eu des publicités durant trois mois dans le magazine Vogue, dans le GQ, je vendais à l’international, mais je n’arrivais pas à faire des bénéfices. Mais indépendamment de cela, dès les premières semaines, j’étais convaincue que ça allait fonctionner et que j’avais pris la bonne décision de me lancer en affaires. Quand j’étais petite, j’étais toujours habitée par le sentiment que j’allais bâtir quelque chose de grand plus tard. Est-ce que c’est avec Melanie Stones ? L’avenir le dira, mais disons que je suis très optimiste face à l’avenir. Quand j’étais en actuariat, je me souvenais que j’avais encore ce sentiment, mais je ne voyais pas comment ça pouvait se réaliser dans mon domaine. Maintenant, avec ce que je constate, l’engouement pour mes bijoux, la clientèle qui ne cesse de croître, je crois à mon projet. J’ai vraiment une niche et j’arrive à me démarquer.
C’est une marque que vous vendez, vos clientes achètent du Melanie Stones !
Oui, exactement. Quand j’ai travaillé avec le spécialiste du branding, je devais faire un exercice : demander à toutes les personnes qui m’entourent de me dire, en une phrase, ce qu’ils avaient en tête quand ils pensaient à moi. Mon père, dont je suis très proche et qui est vraiment un homme extraordinaire, m’avait dit que je voulais toujours offrir la perfection. Il avait tout à fait raison. J’ai toujours en tête d’offrir ce qu’il y a de mieux à mes clientes, leur donner le summum. D’ailleurs, mes bijoux sont garantis à vie et chaque personne qui fait un achat chez nous reçoit aussi une garantie d’authenticité. Je dirais que mon expérience dans le monde des affaires m’est très profitable. J’ai beaucoup de clientes dans le monde de la finance et au-delà du fait qu’elles aiment mes bijoux et qu’elles s’en procurent, nous avons des discussions intéressantes, puisqu’il y a des liens qui se créent en raison de mon parcours professionnel. Ce n’est pas comme si j’avais commencé à faire des bijoux à l’âge de seize ans et que je n’avais fait que ça.
Mélanie a du feu dans les yeux quand elle parle de ses bijoux, on ne sent pas le doute chez elle. On décèle plutôt une détermination de bâtir son entreprise brique par brique, grâce entre autres au bouche-à-oreille qui est souvent la meilleure façon d’augmenter ses ventes, une stratégie de marketing qui peut accomplir des miracles.
Vous n’avez aucun regret de votre autre carrière ?
Non, parce que j’ai le sentiment de faire du bien. J’ai des clientes qui portent mes bijoux chaque jour et elles me disent qu’elles se sentent belles, que leurs bracelets ou leurs colliers leur donnent confiance en elles. Que veux-tu de plus ? Je n’avais jamais imaginé recevoir de tels compliments, ce n’est pas rien !
C’est plus valorisant et enrichissant maintenant que votre travail d’actuaire ?
C’est clair. En même temps, je ne regrette rien, parce que les connaissances et les expériences acquises me servent énormément aujourd’hui. Je ne suis pas du genre à avoir des regrets. Je me suis rendue à Alma cet été pour participer à un événement et la veille, au chalet de mes parents, j’étais debout très tôt et je faisais des bracelets. Mon père s’est approché, m’a regardé et m’a dit : « Je me rappelle, quand tu étais petite, tu faisais ton bricolage, et là, c’est du gros bricolage que tu fais. C’est tellement toi, ça ! ». C’est l’fun d’entendre ça, mais je dois avouer qu’au début, ça a été difficile, mes parents étaient découragés.
Des gens ont-ils tenté de vous décourager ?
Quelques personnes, mais ça me réconfortait de savoir que je n’étais pas la seule, qu’il y a beaucoup de femmes qui quittent leur emploi pour faire autre chose, pour lancer leur entreprise, comme des filles en finances qui font maintenant des biscuits.
Je résumerais cela en disant que j’ai écouté mon cœur avant tout. Je ne porte pas de jugement, mais ce n’est pas donné à tout le monde de faire un tel changement de carrière, et ça prend justement des modèles pour inspirer d’autres femmes à suivre leurs passions.
Ce sont des bijoux haut de gamme vendus à des prix somme toute abordables, que l’ex-actuaire propose avec son entreprise. Avec un brin de fierté, Mélanie me confie que plusieurs femmes lui écrivent pour lui faire savoir à quel point elle est devenue une inspiration pour elles. Dont plusieurs femmes qui ont songé effectuer un changement de carrière, ou qui sont en processus de le faire. « C’est une grande motivation de me lever tous les matins en sachant qu’il y a des femmes qui attendent que je leur prépare leurs bijoux. C’est ma drive ! »
Quels sont les bijoux les plus populaires chez Melanie Stones ?
Ce sont les bracelets, c’est mon produit fétiche. Il y a tout un processus, je dois aller chercher mes pierres, et c’est un travail minutieux mais vraiment captivant pour moi ensuite de faire le montage des bracelets. Je ne voyage pas dans le monde pour trouver mes pierres et mes perles, ce sont mes fournisseurs qui vont en chercher à l’extérieur pour l’instant. Mais c’est moi qui sélectionne ensuite les pierres et les perles qui me conviennent. Il n’y a pas de demi mesure pour mes bijoux il faut que ce soit parfait, c’est ma réputation qui est en jeu. Et quand ma clientèle aime, elle aime ! Plusieurs femmes m’ont en quelque sorte adoptée et possèdent pas moins de quinze, vingt bracelets.
Vous avez aussi décidé d’offrir des diamants ?
Oui, parce que depuis le début de l’aventure Melanie Stones, j’ai toujours eu en tête d’offrir des diamants. J’ai beaucoup lu sur le sujet, je me suis informée, et à mes yeux, c’est la pierre ultime. J’ai donc fait une formation à l’École de gemmologie de Montréal pour bien comprendre l’univers du diamant facetté, et je connais maintenant tous les critères pour les évaluer. Encore là, on est dans la qualité, dans la consultation, et j’offre des produits sur mesure aux gens qui entrent en contact avec moi.
Vous êtes appelée à voyager un peu ?
Je me rends à mes points de vente, à Ottawa (Regine), au Château Frontenac (Lambert & Co) et dans mon coin de pays, à Alma, où mes bijoux sont disponibles la boutique de vêtements Le choix de Sophie. On peut aussi les trouver chez Laflamme pour Elle à Chicoutimi. En plus, je fais des portes ouvertes tous les samedis de 10h à 13h dans le Vieux-Montréal pour rencontrer ma clientèle. Ma fille Estelle, qui a sept ans, me fait rire, elle dit que je voyage partout dans le monde !
Qu’est-ce qui vous distingue des autres entreprises de bijoux ?
Je pense que c’est mon approche personnalisée qui fait la différence. C’est un peu un personnage, Melanie Stones. J’ai une proximité avec mes clientes, et je crée sur mesure des bijoux pour elles. Cela dit, j’ai été bien entourée, j’ai trouvé les bonnes personnes pour travailler avec moi, en mesure de bien répondre à mes besoins et me donner les outils pour concrétiser mes idées. J’ai de bons fournisseurs de perles, de pierres et de diamants aussi, en qui j’ai énormément confiance et qui me permettent d’offrir des bijoux haut de gamme. Je n’achète et ne vend que des diamants canadiens.
Vous devrez éventuellement avoir des employés pour vous aider à aller de l’avant ?
Oui, un jour. C’est moi qui vais au bureau de poste pour acheter les boîtes pour envoyer mes bijoux et il faudra bien que j’en arrive à ce que ce ne soit plus moi…
Vous avez décidé tout récemment de créer une fondation ?
Tout à fait, et c’est en lien avec mon idée première de faire du bien, que les femmes se sentent bien avec mes bijoux. La mission première de la Fondation Infini sera d’aider les femmes, notamment au chapitre du respect de leurs droits, l’accès à l’entreprenariat et aider celles qui sont dans le besoin. J’ai créé le bracelet Infini, de quartz et argent sterling rhodié (195$) et une partie des profits seront versés à la Fondation.
Quels sont vos objectifs pour les prochaines années ?
Je pense à New York, j’aimerais avoir une boutique à Soho, mais je crois que l’avenir de ma compagnie va passer par le contact direct avec les clientes, la création de bijoux sur mesure, avoir de plus en plus de points de vente et bien sûr, mettre l’accent sur le commerce en ligne.