C’est d’inquiétudes et d’espoirs, de peurs et de joies qu’est fait l’élan d’écriture de cette chronique. On est un couple qui s’aime et qui traverse cette période avec le plus de sérénité possible et pourtant, l’ennui des jours à la maison et les limites qui nous sont imposées nous rattrapent en quelques instants d’impuissances et de peines.
Une semaine avec nos enfants à la maison chacun de notre côté, sans nous voir, à nous texter, nous parler au téléphone et à ne pas s’enlacer et se faire du bien dans les élans de tendresse de l’autre. « Les temps sont durs », nous disons-nous pour justifier l’état de déprime intérieure qui nous habite.
J’écris et autour, mes enfants courent et jouent, la vie n’arrête pas pour eux et je leur envie cette candeur qui leur procure la capacité à ne se soucier que de l’instant. Ce simple instant qui est tout ce qui existe en dehors de nos têtes, de nos scénarios imaginaires et de nos peurs. Cet instant même qui ouvre les yeux sur le soleil dans la journée et sur la capacité à profiter du temps qui nous est donné d’être ensemble, au-delà de la pandémie.
Comme plusieurs parents monoparentaux, c’est une semaine sur deux que chacun de nous allons chercher des activités à faire et des idées pour ne pas sombrer dans le désarroi et la paranoïa ambiante. Avant la paranoïa, il y a la responsabilité faite d’efforts à demeurer lucide et heureux, tout en composant avec le manque de l’autre, le manque de notre amoureux(se). Quand on est seul avec ses enfants, ses ados, qui est là pour nous rassurer, nous? On se manque et le besoin grandit de jour en jour de sentir la présence physique de la personne qui nous rassure le plus au monde.
Bientôt, on se retrouvera Geneviève et moi. Deux, ensemble, sans enfants. L’idée qui est née de fermer Montréal nous terrifie. Ce que cela pourrait être de ne pas se voir des mois durant, je n’ose même pas laisser vivre cette idée trop longtemps. Vite, je me ramène… mais je me ramène à quoi? À l’instant. Cet ici, et ce maintenant.
Les enfants rigolent et jouent à cache-cache pendant que moi j’écris. Demain, on se retrouvera. Demain, on se parlera de nous, de nos parents vieillissants en s’informant s’ils vont bien sur le plan moral. Demain, on se racontera nos enfants et leur insouciance enviable et démesurée. On se dira à quel point on a oublié l’époque où l’argent, les paiements, le sens de la responsabilité de subvenir à nos besoins, aux besoins de la progéniture, n’avaient pas autant d’importance. On se racontera des moments avec nos familles où papa a été courageux, où maman a fait preuve de caractère. On se regardera dans les yeux et on se fera rire avec des jokes de pet! Parce que le rire est le meilleur moyen de contrer cette déprimante réalité qui nous encadre au-delà de ce que l’on voudrait.
On parlera de nos amies qui attendent un bébé en ces temps troubles et de leurs inquiétudes. On leur enverra subtilement une petite prière. On aura une pensée pour les victimes et leur famille. Geneviève se félicitera d’avoir voté pour notre meilleur premier ministre des vingt dernières années, et je lui donnerai raison fièrement. On sera ensemble et ça, c’est qu’il y a de plus précieux, chers lectrices et lecteurs. Ceux que l’on a pour nous aimer. Ceux que l’on a à aimer. Il n’y a pas de meilleure assurance et de meilleure justification à ce qui se passe en ce moment, à ce que nous vivons. Car s’il est une raison à tout cela, c’est celle de se retrouver ensemble pour s’aimer.
Demain, je retrouve mon amoureuse et j’aurai le profond sentiment d’être protégé parce que je serai au bon endroit. Dans les bras de celle que j’aime.
Je vous souhaite à tous, au-delà des maux de tête que nous cause cette crise, de toucher au bonheur et d’avoir les gens qui vous aiment autour et près de vous. Nos pensées vont à ceux qui sont malades et à leurs proches. De tout cœur.
Geneviève et Antoine
Étudiants en 3e année de formation, programme de formation professionnelle en relation d’aide par l’ANDCmd offert au Centre de relation d’aide de Montréal inc. (CRAM)
