Quatorzième journal de bord d’une maman… comme quatorze jours en isolement. Comme la quarantaine que plusieurs vivent ces temps-ci. Pas facile ce que l’on vit depuis une semaine, mais toi, ma fille, rien ne change pour toi et c’est tant mieux. Ma fille, on vit présentement une période difficile, et ce, à travers toute la planète. Un vilain virus, qu’on appelle la COVID-19, s’est invité et se propage à une vitesse fulgurante, nous obligeant à demeurer à la maison.
Par Manon Séguin
Les écoles, les cégeps et les universités sont fermés. Les salles de spectacles aussi. Même chose pour les bars, les restaurants, les cinémas, et j’en passe… presque tout est fermé, mais toi… tu t’éveilles toujours en gazouillant. Toi, tu n’as pas conscience de ce qui se passe.
Des gens, partout sur Terre, deviennent malades et ils sont plusieurs à mourir. Nos personnes âgées doivent demeurer isolées, car elles sont les plus à risque. Ceux qui reviennent de voyage doivent rester chez eux, et pendant ce temps, toi tu apprends à te tourner d’un côte puis de l’autre sur le grand tapis de jeux dans le salon. Tu roules comme une petite boule d’amour et tu nous fais bien rire. Tu ne sais pas ce qui se passe dehors.
Des milliers de personnes n’ont plus d’emploi. Nous sommes tous inquiets devant la crise économique qui nous guette. Nous ne savons pas pour combien de temps encore nous devrons vivre dans cette situation précaire, mais toi… tu adores écouter papa jouer du piano. Il en joue encore plus qu’avant. Il a du temps, le temps de prendre son temps. Toi, tu ne vois pas le temps passer.
Les gens font des provisions. Certaines tablettes d’épiceries sont vides. Les gens s’inquiètent que la crise se prolonge et qu’ils manquent de nourriture, mais toi… tu refuses toujours le biberon. Sachant très bien que je suis là, prête à te donner tout ce dont tu as besoin. Ta routine ne change pas : tu fais encore trois petites siestes par jour. Tu dors bien la nuit même si tu te réveilles aux trois heures pour boire.
Papa et moi, on fait des repas plus élaborés. On s’amuse dans la bouffe. Tu es là, dans ta belle chaise haute aux couleurs de Batgirl (on n’en a pas trouvé de Supergirl… Hi hi hi…), et tu es bien heureuse de faire partie de l’action et de nous voir cuisiner en chantant.
À 20h30, on flashe nos lumières pour voir combien de voisins vont le faire aussi, comme pour se dire, de loin bien sûr, que « TOUT VA BIEN ALLER ». Tu es sur les épaules de papa, mais tu ne comprends pas ce que l’on fait. Tu trouves ça drôle parce que papa fait du beatbox avec sa bouche au rythme des lumières.
Tu es le centre de notre univers et cet univers est merveilleux. On ne s’ennuie pas malgré l’isolement. On est encore plus proches. On se parle encore plus, on a plus de temps pour te chatouiller, pour te bécoter, pour faire de belles promenades en nature, pour jouer avec toi, pour te bercer, pour t’aimer. Finalement, ce méchant coronavirus va faire en sorte que l’on puisse profiter de chaque instant avec toi qui grandit à vue d’œil.
Ces moments ne reviendront jamais et on les vit pleinement. Un jour, on te racontera le temps où la seule chose qui nous était permise de faire était de t’aimer… et on en profite au maximum!