CHRONIQUE JURIDIQUE
par marie-pier boulet, BMD AVOCATS INC.
Loin de moi l’idée de vous décourager ou encore de vous inciter à porter plainte. L’objectif est plutôt de faire taire les fausses croyances. « J’ai peur de porter plainte », « je porte plainte juste pour faire peur à quelqu’un » : démystifions la chose.
MA PLAINTE À MOI
Est-ce que j’ai le plein contrôle sur ma plainte ? Absolument pas. Trop de gens pensent qu’ils peuvent porter plainte et qu’ils pourront la retirer le temps voulu.
« Je veux juste lui faire peur ». Et bien, vous vous êtes pourtant engagée dans un processus criminel, alors nulle question d’avoir une demie-intention. Le système judiciaire est déjà trop occupé pour cela ! La gestion de votre plainte débute à partir de la dénonciation aux policières et c’est une procureure de la poursuite qui autorise ou non votre plainte. Bien sûr, elle tiendra compte de votre intérêt ou non à poursuivre, mais c’est à elle qu’appartient la discrétion sur le suivi du dossier.
Le processus décortiqué
Vous donnez l’information aux policières, elles la colligent. Celles-ci transmettent, au bureau des procureures de la poursuite, toutes les informations que vous leur avez fournies. Ce sera notamment votre déclaration écrite, les preuves documentaires (photos, messages textes, etc.). S’ajouteront celles qu’elles obtiendront au cours de leur enquête. Par exemple, une déclaration de la personne accusée, des déclarations d’autres témoins, etc.
Une procureure de la poursuite recevra ensuite l’ensemble de ces éléments. Une décision doit être prise si une accusation criminelle est portée ou non. C’est ici qu’entrent en jeu différents critères pour l’analyse de votre plainte. Il s’agit d’un processus rigoureux duquel les procureures doivent rendre compte. L’opportunité ou non de poursuivre tiendra évidemment compte de la qualité de la preuve, mais également de plusieurs autres facteurs qui réfèrent à l’intérêt du public en général.
La procureure conserve son pouvoir dit discrétionnaire même après l’autorisation de la plainte. Elle peut donc décider de mettre un terme à une ou des accusations criminelles.
C’est là qu’entre en jeu le désir de la personne qui a porté plainte. La procureure tiendra compte du fait que vous n’êtes plus intéressée à poursuivre avec votre plainte. Cela n’efface toutefois pas votre désir initial et les faits dont vous vous êtes plaints au départ. Vous pourriez donc être forcée, par subpoena, à venir rapporter les faits, indépendamment de votre désir de poursuivre. Il ne s’agit pas de vous punir, mais de vous responsabiliser en quelque sorte. Ce n’est bien sûr pas dans tous les cas que vous serez forcée de témoigner contre votre désir, sachez simplement que ça pourrait arriver.
La suite : devant les tribunaux
La procureure de la poursuite n’est pas VOTRE avocate. Évidemment, celle-ci représente vos intérêts ou plutôt ceux de la société à ce qu’une affaire criminelle soit traduite devant les tribunaux. Cependant, celle-ci n’usera pas de stratégie ou de stratagème pour que votre plainte mène à un verdict de culpabilité. Elle n’a pas de cause à gagner. D’ailleurs, elle devra communiquer à l’accusée tout ce que vous lui confirez ! Il s’agit de la communication de la preuve qui est un droit strict pour toute personne inculpée. En effet, l’accusée a le droit de connaitre toute la preuve qui existe contre elle.
En résumé, la procureure présente la preuve et la juge décide. Dans ce processus, à titre de personne qui porte plainte, vous êtes « la preuve ».
Bien sûr, la procureure vous accompagnera et vous fournira des explications. Par contre, vous n’êtes pas son client et elle conserve le contrôle du dossier.
Ce n’est pas elle non plus qui dispense les services d’accompagnement pour le stress que vous procure le fait de témoigner à la Cour. Vous avez droit à de l’accompagnement qui vient généralement d’organisme comme la CAVAC (Centre d’aide aux victimes d’actes criminels)
L’avocate de la défense par contre joue un rôle bien différent. Elle s’assure que la personne accusée voit ses droits respectés. Elle n’est pas l’accusée. Il n’est pas nécessaire d’en vouloir à cette personne comme vous pourriez en vouloir à la personne contre qui vous avez porté plainte.
Les procédures alternatives
Bien sûr, il existe des procédures alternatives à celle de porter plainte.
La procureure de la poursuite doit d’ailleurs les envisager avant d’autoriser une plainte criminelle.
Par exemple, il est possible de demander aux policières de loger un avertissement à une personne qui vous harcèle par exemple, tout en spécifiant que vous ne souhaitez pas porter plainte.
Vous pouvez aussi demander au tribunal l’émission d’une ordonnance exigeant qu’une personne ne trouble pas l’ordre public et ne vous importune pas. Ce sera le cas lorsqu’une infraction criminelle n’a pas réellement encore été commise, mais que vous avez des craintes réelles qu’un individu puisse en commettre une.
Conséquences pour l’accusée
En terminant, porter plainte c’est sérieux et il faut savoir que pour une personne accusée cela implique des conséquences très rapides et parfois irréversibles sur sa vie. Que l’on pense aux frais d’avocats, la prise d’empreintes, etc.
Le texte utilise la forme féminine pour alléger le texte et parce qu’il est publié sur un site qui donne la parole aux femmes.